Toutes les histoires ne finissent pas nécessairement bien.

Le Souhei était en pleine éloge funèbre. La victime, Itachi, était assez réputée. Sa famille, moins. Sa mort avait été tragique - en pleine mission, attaqué par un Yokaï trop fort. C'était bien triste. Lorsque Nanashi avait entendu les moines parler des circonstances, il s'était tout de suite proposé volontaire pour officier à cette cérémonie. C'était souvent le rôle des novices, plus que des moines-guerriers, mais Nanashi ressentait le besoin de s'imposer dans ce rôle.

Et de ne pas oublier les morts causés par les Yokaïs. Même s'il vouait une curiosité sur le sujet, il ne pouvait pas ignorer les dégâts que cette engeance répandait partout derrière elle. Ceci allait être un rappel. Les mines étaient sombres dans l'assemblée. Il y avait un dessin au fusain de la victime dans un petit cadre entouré par une montagne de fleur, et un cerceuil.

Où on avait mis ce qu'il avait resté de lui.

Il frissonna. C'était ce qu'on lui avait narré, une attaque particulièrement brutale. Il n'avait pas vu le corps - laissant le soin de cela aux novices tout de même - mais il ne pouvait pas s'empêcher de se dire que c'était sans doute une des pires façon de quitter ce monde, malgré le but noble de la personne. Après tout, les shinobis étaient là pour protéger les civils, et il n'y avait point de pertes civils à déplorer.



Il se tut, et laissa la parole à d'autres, tout en récitant des mantras pour chasser les mauvais esprits. Cette cérémonie se devait de rester pure, et intouchée de tout maléfice ou mauvais esprits.



Il alluma l'encens, secoua plusieurs fois son bâton mouillé d'eau bénite, avant de se mettre sur le côté et d'entamer une longue prière à Amaterasu pour la supplier de l'accepter au Paradis. Ce qui, d'après ce qu'il avait compris, ne poserait sans doute pas trop de problème au vu de l'immaculée réputation de la victime.

Une fois sa longue litanie terminée, il donna ses condoléances au frère, aux cousins, avant de s'approcher du disciple. C'était... délicat. Au moins, il n'était pas trop jeune. Il avait passé la vingtaine et même s'il était un poil maigrichon, il semblait en bonne santé. La difficulté de ces situations résidait dans les dégâts psychiques qu'elles pouvaient mener. Nanashi voulait s'assurer que tout était sous contrôle.



Les vivants, eux aussi, étaient importants. C'était à eux de vivre avec le regret comme fardeau.

Mitsu fut plus qu'étonné de lui-même. Lors de la cérémonie il s'attendait à flancher, spécifiquement en voyant la famille du défunt, mais ne ressentit rien hormis un léger pincement de cœur. Il s'attendait à geindre, à pleurer, voir même à se confondre en excuses mais il n'en était rien. Sa haine, quant à elle vorace, continue d'alimenter son cœur et l'empêche d'exprimer même une once de sympathie envers ce qu'il considère comme un moins que rien. Et encore le terme est faible envers cet immonde personnage qu'était Itachi.

Malheureusement, son maître était quelqu'un de respecté au sein du village que certains considéraient comme un modèle à la fois de vertu et de capacité. Mitsu, ayant toujours été un shinobi n'appréciant pas le conflit direct ou encore moins les combats, avait été affecté à l'équipe de cette personne qui avait pour réputation d'être aussi forte qu'aimable. Mais les gens étaient bien loin du compte ce n'était qu'un masque au sein du village, probablement parce qu'il savait qu'il serait amener à fréquenter et collaborer avec les Jujoujins à maintes reprises.

Mais dés qu'il est loin du village, dés qu'il n'a plus d'attaches, tous les coups étaient permis pour à la fois profiter de la vie mais également pour réussir une mission.

Jamais il n'aurait crû un jour que sa nature, de base amical, serviable et généreuse, puisse changer à ce point. Qu'en lui pouvait sommeiller une rancune tenace capable de faire taire en lui toutes les vertus pour ne plus que laisser place au vice.

Perdu dans ses pensées, la cérémonie se termine plus vite que prévu. S'attendant à quelque chose de plus long et ne peut s'empêcher de déprimer. Non pour, comme vous l'avez compris, l'homme qui est honoré aujourd'hui mais plus pour la cérémonie elle-même.

"C'est donc tout ce qu'il reste de nous une fois qu'on est mort ? On passe tellement de temps à vivre, à accomplir dans la vie pour que tout soit terminé aussi vite alors que nos vies sont tellement longues ?" ne peut-il s'empêcher de penser mais son fil est interrompu par un homme blond à lunettes qui a l'air des plus aimables.

- Oui, on peut dire que j'ai assisté à son dernier souffle. Cela m'a de nouveau convaincu que les Yokai sont bels et biens une menace à éliminer.

Un mensonge qu'il prononce tandis qu'il joue avec une bague à l'un de ses doigts. Une bague qui a été donnée par une amie Edeniste rencontrée lors de la mission. Les membres de ce culte lui avait tout appris de la tolérance et particulièrement envers ce qui est différent tout et ce qui nous ressemble pas qu'ils soient animaux ou Yokai. Mais Mitsu n'est pas dupe : à Jujou tout le monde déteste les Yokai et il est obligé de jouer le jeu.

- Je me pose des questions sur mon avenir : Serais-je réaffecté à une équipe ? Vais-je pouvoir continuer à être un shinobi après avoir échoué ma première mission ? N'avez-vous jamais douté de votre voie ou de vos capacités à être un moine ?

Son introversion s'arrête en un coup. Comme s'il venait de s'être soudainement souvenu de quelque chose : il est censé être une victime de cette histoire et avoir tenu à lui.

- J'ai oublié de vous dire ... Merci pour la cérémonie. Quelqu'un de son acabit méritait qu'on fasse attention à lui.

Toutes les histoires ne finissent pas nécessairement bien.

Il soupira. Lui-même n'avait jamais été dans cette situation, face à l'un de ces monstres. Comment réagirait-il ? Sans doute aurait-il lui aussi un moment d'arrêt, avant d'avoir l'adrénaline qui ne pompe dans son coeur et le libère de sa crainte. Une invocation pouvait l'aider. Oui, il avait signé un pacte, après tout. Il secoua la tête.

Les considérations sur ses faiblesses de Souhei n'étaient pas à envisager maintenant.

Surtout que le jeune homme semblait également se poser des questions similaires ? En tout cas, sa fragilité d'être humain le taraudait, et le stress lui faisait voir les chose d'un oeil très rationnel. C'était un mécanisme de défense assez fréquent ça. Rationaliser. Compartementaliser. Il fallait au moins alléger ce fardeau.



Puis il se tut, écouta vaguement au loin un cris de désespoir d'un frère, orphelin d'un autre, qui jurait revenge sur tous les Yokaï du monde. [i]Et bien, cela va encore donner un beau shinobi ça.[i] Il fit une note mentale de discuter avec ce "Sasuke". Peut-être y avait-il une bombe à retardement à diffuser ? Mais d'abord, il avait une conversation ici, avec un autre jeune homme qui avait fait face avec un fragment d'un Dieu Déchu. Un Yokaï.



Il essayait de ne pas être trop moralisateur, tout en aidant ce pauvre jeune homme qui avait visiblement souffert de la situation. Quel drame, tout de même. Et dire qu'il avait vu de lui-même la fin de la victime.



Nanashi tiqua temporairement sur la tournure de phrase. Faire attention à lui ? D'habitude les gens parlaient plus de... Mais il mit cela sur le compte de la fatigue, du stress, du syndrome du survivant et le souvenir même de cette bizarrerie lui échappa la tête comme un pétale qui s'envole avec la brise du soir.