Le forgeron recevait une missive dans son habitacle, il se levait d’un air un brin surpris. Il n’était pas forcément habitué à recevoir ce genre de missive, il restait souvent sans voir grand monde et le peu de gens qu’il appréciait pouvait se compter sur les doigts d’une main. D’un mouvement à la limite d’un escargot s’avançant lentement en surfant sur le parquet de bois, les pieds nus seul partie de son corps qui ne souffrait pas d’une multitude de coupures causés par les éclats de ses armes. D’un geste lent, il attrapait la feuille de son bout de ses doigts. Les mains très émaciés, les doigts un brin léger et souple. Il lisait lentement de ses yeux fatigués le contenu de cette lettre:

« - Rendez-vous au bar, Oomori Hotaru. »

Le forgeron souriait en lisant le mot, toujours extrêmement concise, mais c’était une des seules personnes que Dabi aimait rencontrer et passer un peu de temps. Et elle était une des rare à connaître le secret de cet homme. Il avait vu un peu en retard la missive et il mettait un temps fou à se préparer. Il n’avait pas pris de douche ou de bain depuis quelques journées, en effet il avait passer son temps à forger jour et nuit des armes et armures. Le bruit de son marteau résonnait encore et encore dans sa caboche et il n’arrivait pas à les faire s’échapper. Il se créait une immense bassine de métal remplie d’une eau qu’il avait au préalable chauffé légèrement. Puis sans attendre, il fit tomber délicatement son kimono et se mis un pieds puis, un deuxième en contact avec la surface de l’eau. Les frissons provoqués par la morsure de la chaleur de l’eau au contact de sa peau et la fine couche de crasse et de copeaux métalliques qui se mirent à s’étaler dans l’eau qui était encore limpide il y a quelques secondes. Il se jetait directement dedans et mis la tête sous l’eau. Ses cheveux reprirent couleur bleuté claire, il prit une légère savonnette et se mit rapidement à nettoyer son corps.

Sans vouloir être trop en retard, il sortait de la bassine pour se revêtir d’une tenue décontracte et habillé en même temps. Il mis des sandales et il se mit à se mouvoir lentement et avec une nonchalance étonnante, mais qui était une signature particulière à la démarche de Kaji. Il arrivait après quelques minutes de marche au niveau de la taverne. Il ouvrait délicatement la porte et le bruit de la cohue dans cet endroit se mit à emplir les canaux auditifs de celui qui était habitué comme compagnon le seul bruit du marteau. Envoler le bruit répétitif du marteau, bienvenu les différentes saturations sensitives de cet endroit. Il en revenait presque à regretter à ce bruit répétitif.

Le corps décharné du forgeron se rapprochait lentement, mais sûrement vers la personne qui l’attendait de l’autre côté de la bâtisse. La femme semblait déjà emplie d’ivresse et d’alcoolémie, elle avait un peu trop abusé du nectar des Dieux. Elle s’excusait d’avoir commencé à boire sans lui, la main dans les cheveux d’un signe un brin embarrassé, car si elle avait commencé à boire c’était parce qu’il était en retard. Elle semblait avoir envie de parler, l’homme s’asseyait à ses côtés. Puis, il fit signe au serveur de lui servir la même chose que la demoiselle:

« - Raconte moi tout! T’as l’air d’avoir trop envie de parler! Je t’écoute! »

Il avait éludé la question de la demoiselle concernant son état, car il savait bien que tant qu’il n’aurait pas sa soeur il ne pourrait pas se permettre de dire qu’il allait bien et d’être un tant soit peu heureux.

La femme atteint d’une ivresse avancée se mit à parler de ce qu’il semblerait être des hommes. L’amour était étrange, un concept qu’il ne connaissait pas réellement. En effet, l’amour il ne l’avait jamais ressenti à part pour sa petite soeur. Il se trouvait être la moins bonne personne pour discuter de ce genre de sujet, mais il utiliserait ses oreilles afin d’écouter cette femme et cela lui permettrait potentiellement de penser à autre chose. Il essayait de ce fait de se concentrer sur les propos de Hotaru. Elle aurait soi-disant tout fait foirer. Il se mit à répondre à cette femme d’un air un brin consterné et un peu étranger à toute cette situation:

« - Homme et garçon c’est la même chose, c’est un concept plutôt qu’un terme. Pour en venir à cet être que tu sembles t’être entiché, raconte-moi comment tu as tout fais foiré? Il va me falloir plus d’options et de mots pour essayer de comprendre à mon maximum. »


Le verre se positionnait devant lui et il l’attrapait délicatement du bout des doigts et dans un geste vers le haut il l’amenait vers ses lèvres. D’un simple geste il se mit à verser le délicat liquide dans son gosier. L’alcool se répandait petit à petit dans l’ensemble des cellules de son corps et de sa peau. L’ivresse était une chose bien particulière qui se mettait à faire tournoyer légèrement sa caboche et sa vision. Il était si maigrichon et si fatigué que l’alcool dévorait la sobriété de l’homme assez rapidement.

Il reprit la parole et dis d’un ton léger:

« - De toute façon, t’es une chouette fille, je suis sûr qu’il aura de la chance s’il se rend compte de ça. Il est du village? »

Il posait sa main sur la joue, sentant sa cicatrice du bout des doigts comme s’il cherchait à savoir si tout était bien réelle. Sa soeur lui manquait chaque journée, mais parfois il souhaitait se réveiller de se perpétuel cauchemar et malheureusement cette cicatrice était le stigmate qu’il ne dormait pas…

Le verre qui s’alignait devant lui, l’homme qui se regardait sa compagne de beuverie. Elle semblait véritablement peiné par toute cette histoire amoureuse. L’homme complètement incapable de comprendre les histoires d’amour et les sentiments basiques et sociaux. Il cherchait à comprendre exactement tout ce qui pouvait se passer dans cet endroit et surtout comprendre la complexité de l’histoire qui semblait accaparer les pensées de son amie. Une histoire d’équipe, de baiser, d’amour interdit et de sentiments renfrognés. L’homme semblait éviter la pauvre dame qui ne comprenait pas le comportement de cet énergumène surtout après un échange aussi intime qu’un bisou. Il attrapait le verre et se mit à boire le nectar divin d’une traite dans son gosier. Puis, il se mit à prendre la parole:

« - Hum, c’est bien alambiqué comme histoire. Le souci c’est que dans ce village beaucoup sont des forgerons ou des épéistes qui manient les sentiments de la pire des manières. Je suppose que le souci ne vient pas réellement de toi, mais plutôt de la manière à aborder les sentiments qui sont des véritables épines pour nombreux d’entre nous. Je suis un véritable handicapée avec les sentiments je manie mieux le marteau et l’enclume que la conversation. Et nous sommes plusieurs d’entre nous comme ça. Après, c’est peut-être une autre personne. Je ne sais pas grand chose sur ton histoire. Ne te remet pas en question! Je suis sûr que ça reste des malentendus! »

Le forgeron se mit à se prendre la tête dans les bras histoire d’essayer de mettre ses idées au claire. Il n’était vraiment pas la personne la plus douée pour ce genre de relation et surtout pour émettre des conseils, puis il passait sa main dans ses cheveux d’un air un brin gêné et il dit d’un ton ironique surtout sur lui:


« - Je suis vraiment désolé Hotaru, je suis un brin inutile. Je te dis de ces banalités, je suis sûr que pourtant cet homme va finir par remarquer qu’elle femme exceptionnelle tu es. Il reviendra. Il faudrait que vous en parliez je suppose? »

Quel idiot et limite autiste dans les rapports sociaux, il disait des choses tellement stupide en essayant de pouvoir la rassurer. Il tentait de toutes ses forces, de trouver ses mots, de trouver un moyen de la rassurer. Néanmoins, il était vraiment nul dans sa façon de procéder.

L’ivresse mangeait petit à petit les différentes cellules saines du corps décharné du forgeron. L’ivresse se répandait comme une traînée de poudre dans chaque pensée de l’homme qui avait du mal à concevoir une sorte de réalité et de déflouté les images qui se formaient dans son iris et sur sa rétine. L’incongru de la scène, le langage particulier et sympathique d’Hotaru était difficilement compréhensible, les mots s’enchaînaient dans un imbroglio d’idées bien trop complexes et étonnamment simples, mais compliqué pour l’idiot socialement qu’était Dabi. La femme lui expliquait qu’elle aimait son incompréhension et sa maladresse et elle avait besoin d’entendre ces différents propos. Les mots pouvaient être parfois des baumes pour couvrir l’ensemble d’un corps ou d’une idée incompréhensible. Elle finissait par expliquer que l’homme qu’elle aimait était un forgeron et un aveugle, l’image de Kyoshiro venait d’apparaître dans le cerveau de l’homme. Il se souvenait vaguement de l’avoir rencontré une fois, c’était une personne particulière. Néanmoins, c’était un forgeron émérite et extrêmement doué. Il était de très bon conseil et quelqu’un de bien. Je souriais quand elle tentait de se convaincre qu’il était bizarre et qu’il ne fallait pas tomber amoureux de ce genre de personnage. Kaji prit une longue respiration pleine de vapeur d’alcool, puis il pris la parole:


« - Je trouve que tu as plutôt bon goût. Kyoshiro est quelqu’un de particulier, mais de bien. Et je suis persuadé qu’il sait à quel point tu es une personne formidable Hotaru! En plus au moins en étant aveugle tu peux te dire que si tu lui plais, c’est pour ta personnalité et non ton physique.»

Il attrapait légèrement du bout des doigts et avalait d’un cul sec son verre quand il entendait la nouvelle question de sa partenaire de boisson. Il soupirait, du neuf… L’image glaçante du cercueil de glace de sa soeur vint marteler l’esprit du pauvre forgeron. Il prit sa tête dans ses mains, rien n’avançait. Il n’y avait aucun neuf dans son histoire et ça le rendait fou. Il avait qu’une envie en cet instant crier un bon coup, jurer et maudire le Dieu qui s’amusait à jouer avec sa vie et celle de sa soeur. Il se crispait et serrait les doigts contre la paume de sa main, les ongles abîmés et légèrement brûlé du forgeron se mirent à créer une légère crevasse dans la peau et le liquide vermillon vint apparaître dans la paume. Il tournait la tête vers la demoiselle et dit d’un ton calme:

« - Pas grand-chose, je passe mes journées et mes nuits à tenter de concevoir l’arme parfaite, ce que je n’arrive toujours pas. »

Il avait simplement dit la vérité et émis un léger constat dénué de sentimentalisme ou bien d’émotions.

La femme à l’ivresse démesurée semblait interloquée par le fait que Dabi puisse connaître le forgeron. Il le connaissait comme la plupart des forgerons de cette ville, puis en tant que forgeron il fallait connaître ses collègues et concurrents. De plus, il avait eu la chance au détour d’un couloir de discuter avec lui, une discussion qui n’avait jamais été terminée, mais qui avait eu lieu. Il eu un léger rictus pour répondre à la demoiselle:

«- Entre forgerons on se connait tous de visu ou on discute de temps à autre. J’ai pu discuter avec lui, une fois assez longuement, si ça peut te rassurer… »

En tout cas toutes les pensées de la femme semblaient se trainer pour cet homme aveugle. Elle n’arrivait clairement pas à se le sortir de la tête et l’alcool n’y faisait rien. En effet, les effets de l’alcool permettaient la désinhibition de certains affects et cela permettait de ne plus forcément mettre des filtres, de la demi mesure ou même de réfréner des choses. C’est en grande partie pour cette raison que la demoiselle s’épanchait autant sur cette histoire, elle qui d’habitude était plutôt timide sur ce genre d’histoire. La femme détournait la discussion de manière intéressante, elle se mit à parler de son arme afin de lui montrer l’oeuvre que son arme était. Il soupirait d’un air un brin étrange:

« - Qu’à t-elle de particulier ton arme ? Qui l’a forgée? Je suis très curieux de pouvoir analyser ce genre d’arme, si tu en es fier c’est qu’elle doit être d’un très bel ouvrage. J’ai hâte de pouvoir l’admirer. Je suis pourtant extrêmement réputé dans la création d’arme, mais j’ai toujours pas trouvé de solution pour aider ma soeur et sauver au moins son âme et créer un réceptacle pour elle. Je sais plus quoi faire… »

Son regard s’était terni d’une mélancolie, d’une détresse et d’une incapacité à pouvoir changer les choses ce qui le rongeait de l’intérieur et l’alcool n’aidait clairement pas à pouvoir lutter contre ce sentiment. Il réfrénait les larmes, il n’avait pas le droit de pleurer, il n’avait pas le droit d’être triste. Il était en vie, il pouvait avancé lui… Sa soeur quant à elle était bloquée dans un cercueil de glace et elle ne pouvait pas vivre pour le moment son adolescence. Elle ne pouvait pas vivre tout court, la faucheuse était sa seule amie qui s’amusait à regarder et attendre avec sa faux qu’elle sorte de son bouclier de glace.

Une épée démoniaque, c’était l’arme de la demoiselle. L’épée qui change de forme, c’est étrange comme nom, mais un éclat d’intérêt se formait dans les yeux de l’homme. Elle parlait de sa lame comme d’une enfant. C’était beau à voir en quelque sorte qu’il existait encore des personnes qui voyaient dans les armes des véritables cadeaux de la vie qu’il fallait à tout prix protéger et prendre soin. Il était hors de question qu’un être comme un forgeron pourrait tenter de faire du mal et d’abîmer un quelconque travail d’orfèvre. Il souriait et commandait un immense verre d’eau qu’il donnait à la demoiselle:

« -Très bien, marché conclu! On fait comme ça. Avant toute chose, je vais te ramener chez toi! Tu vas pouvoir dormir un peu et on reverra cette arme demain ensemble. Si cela te va. Je suis certes alcoolisé, mais encore un peu moins que toi. »

Le forgeron se levait dans un mouvement un brin maladroit et qui tanguait légèrement. Il reprit une consistance en réussissant à tenir debout. Il tendit son bras vers la demoiselle pour lui servir de repose pied voire de canne. Pour une de ses rares fois dans sa vie, il se comportait autrement que comme un frère qui cherchait à sauver sa soeur. Son but était de pouvoir aider une amie, et il devait agir de la sorte. L’alcool l’avait bleuté, elle s’était recouverte d’un taux d’alcoolémie si fort et précieux pour tenter en vain d’oublier l’amour qui emplissait son coeur d’un torrent d’émotions et de puissantes afflictions.

Il attendait que la femme se mette mouvement, il utilisait l’ensemble de ses muscles de ses jambes pour être sûr de pouvoir maintenir le poids de sa compagne de beuverie et le sien debout.