Les terres du village de Kaigarakome demeuraient marquées par la destruction que Kyuubi avait laissée dans son sillage. Partout où je posais le regard, je voyais des preuves de cette violence. Les falaises s’étaient effondrées, des forêts entières réduites en cendres, et les eaux d’un ruisseau proche charriaient encore des débris comme un rappel persistant de cette fureur d’autrefois. Pourtant, la vie reprenait lentement ses droits, et une activité fébrile s’emparait du village. Les habitants, encore tremblants, réparaient leurs toits, cultivaient leurs champs, adaptaient leurs vies à ce chaos devenu leur quotidien.

Dans cet environnement marqué, je me frayai un chemin parmi les passants, observant leurs visages fatigués quand des murmures captèrent mon attention. L’ombre d’une légende funeste se répandait ici, quelque chose qui frappait chaque nuit et laissait son sinistre message gravé sur les corps de belles jeunes femmes innocentes. La rumeur disait que le meurtrier se réclamait du culte de Jashin, sacrifiait ces âmes en l’honneur du Seigneur de la Mort. Mon sang ne fit qu’un tour. Ce meurtrier usurpait le nom de Jashin. Il n’était rien de plus qu’un être pathétique, sans véritable foi, une créature attirée par le sang et non par la voie sacrée.

Sans perdre de temps, je sondai discrètement les ruelles du village, à l’affût d’informations, menant petit à petit mon enquête pour retrouver cet usurpateur. Les descriptions éparses me conduisirent sur les traces de celui qu’on appelait Jakku, et à la nuit tombée, je me mis en quête de cet imposteur.

Les nuits de Kaigarakome étaient lourdes, marquées par la peur et la vigilance des habitants inquiets pour leur sécurité. La lune étirait des ombres inquiétantes sur les murs et les toits, et sous cette pâle lumière, je progressai dans le silence. Après plusieurs nuits de recherches, ce soir-là, une nouvelle proie de Jakku devait être choisie, et je savais qu’il attendait quelque part, tapi dans l’obscurité.

Soudain, des éclats de voix retentirent, suivis d’un cri perçant. Une silhouette vêtue de noir surgit au détour d’une ruelle, tenant une lame tachée de sang. Je l’aperçus, ce prétendu fidèle de Jashin, figé sous la lueur des torches, ses yeux écarquillés de folie. Ce n’était rien de plus qu’un homme, frêle, marqué par la peur autant que par son vice. Jakku arborait un large sourire, empli d’une satisfaction perverse, quand il aperçut l’ombre de mon approche. Me voyant, il recula légèrement, soufflant quelques mots.



Ses mots n’étaient qu’un charabia teinté d’hérésie. Je lui lançai un regard glacé, le toisant de haut en bas avant de l’interpeler d’une voix grave chargée de mépris.



Jakku émit un rire nerveux, tentant de masquer la panique qui semblait envahir son esprit. Avant qu’il ne réponde, je formulai un mudra rapide et une flamme surgit de ma main, illuminant mon visage et dévoilant mes cicatrices le long de mes avants bras, ces marques de ma propre dévotion. Jakku fit un pas en arrière, mais je l’encerclai d’un anneau de feu, l’obligeant à affronter la vérité que je représentais.



Jakku tituba, mais l’instant d’après, il brandit sa lame en poussant un cri de rage et se précipita vers moi. Sa vitesse n’était pas à négliger, mais il manquait cruellement de technique. Je le laissai approcher, patient comme la pierre, puis me contentai d’un geste, une immense flaque de boue émergeant du sol, le bloquant net sur place. Son regard s’emplit d’horreur, il tenta de reculer, mais j’abattis une vague de flammes, l’enfermant de nouveau dans un cercle incandescent.

Il lâcha un cri de douleur, puis s’effondra au sol. Sans un mot, je fis cesser les flammes, et maintenant vulnérable, il se tordait de douleur devant moi. Son regard se posa sur moi, empli d’un mélange de peur et d’admiration morbide avant de balbutier quelques mots.



Je m’agenouillai près de lui, plongeant mes yeux dans les siens, lui offrant un regard empli de la froideur d’un jugement divin.



Jakku resta muet, suspendu à mes paroles. J’approchai mon visage du sien et murmurai à ses oreilles



À mon grand étonnement, Jakku n’hésita pas une seule seconde. D’un geste rapide et déterminé, il s’empara de sa propre lame encore ensanglantée et d’un seul mouvement, trancha sa main droite. La douleur le traversa, mais il ne vacilla pas. Ses yeux luisaient d’un éclat presque extatique alors qu’il levait son bras mutilé, offrant sa main sanglante à notre dieu.

Une lueur d’approbation passa dans mon regard. Jakku possédait le potentiel de ceux qui marchent véritablement sur la voie du sacrifice.

Je posai une main sur son moignon, et à l’aide de mes talents médicaux, je recollai sa main dans une intense concentration. Les chairs se ressoudèrent lentement, et lorsqu’il reprit ses esprits, il me fixa, abasourdi par cet acte miraculeux.



Je lui exposai alors une mission, complexe et périlleuse, qui nécessiterait courage, discrétion et une foi inébranlable. Jakku acquiesça, chaque fibre de son être semblant vibrer d’un nouvel éclat de ferveur qui porterai ses pas au-delà de ce simple village. Je le laissai à sa tâche, et quittai Kaigarakome sans un mot de plus, ayant laissé derrière moi une graine qui, je le savais, grandirait en une nouvelle dévotion à Jashin.

Sur la route qui me menait à d’autres projets, je me mis à sourire. Aussi étrange que cela puisse être, finalement, j’avais arrêté le meurtrier qui terrorisait le village, mais seulement pour lui ouvrir la porte de quelque chose de bien plus grand.