Du haut de son balcon, une jeune femme observait le soleil se coucher sur le village caché des Dunes.

L'astre cramoisi venait teindre de ses bras orangés toutes les petites habitations de pierre blanche qui se côtoyaient dans son quartier résidentiel, chassant les derniers badauds du pâté de maison qui avaient un peu trop traîné dehors pour commencer à rentrer chez eux, alors que le ciel sans nuage se laissait lui aussi teindre par l'ocre solaire.

Elle ferma les yeux un instant, goûtant pour quelques minutes le privilège d'être là où elle était, après une journée d'efforts, appréciant le contraste entre le contact de ses pieds nus avec la pierre froide et la chaleur du soleil sur sa peau. Elle se saisit ensuite de son verre empli de saké, et en avala une petite gorgée avant de le reposer sur le rebord, se perdant de nouveau dans la contemplation du village.

Oh, si elle avait su. Si elle avait su que son grade lui avait donné d'office l'une des luxueuse maisons du quartier résidentiel, finement taillée et aménagée, l'aurait-elle cru ? Depuis la nuit du grand feu, de nombreuses bâtisses du genre avait été abandonnées, puis réquisitionnées par l'armée et offerte à ses rares gradés. Et il se trouvait que, elle, elle en était devenue une.

Vêtue d'une fine robe de soie, la jeune femme avait laissé pour une fois la carapace qu'elle portait en permanence derrière elle pour juste profiter un peu de la paix qu'elle avait méritée.

Pourtant, quelqu'un vint s’adosser contre le mur derrière elle.

Naoko n'eut pas d'état d'âme, n'eut pas besoin de se retourner. Elle ne se sentit pas gênée par la présence de l'individu qui voyait un visage de la jeune femme inhabituel, ni même perturbée.

Car il était son ombre.

Un instant passa, avant que la jeune femme ne prenne la parole, regardant toujours le village sombrant peu à peu vers le rouge.

Shiro venait de finir une journée de dur labeur. Il déambulait dans les rues chaudes du village du désert en cherchant un truc à faire. N’arrivant pas à se décider, il prit la route pour la demeure de Naoko dans le but de lui arracher un verre de sake et passer du temps avec elle.

Plus il se rapprochait de son but et plus il devait se frayer un passage parmi les habitants de Sakyuu. Il était cerné par des tas d’habitations blanches faisant tache dans le désert. Il tourna au bout de la rue et réussi à avoir un visuel sur le château de Naoko.

Il s’arrêta quelques minutes, levant les yeux pour les poser sur une Jonin en train de se reposer sur son balcon. Il fut très vite ramené à la réalité lorsqu’un passant le bouscula.



L’inconnu avait aussitôt disparu dans la foule, mais ce qui attira le regard du Chunin, c’était une silhouette encapuchonnée qui semblait observer Naoko. Shiro s’approcha lentement de cette personne. Ce n'était pas la première fois qu’il la voyait, il en était sûr. Depuis quelque temps déjà, quelqu’un rôde autour de la jeune femme et ça ne lui plaisait pas. Un pervers ? Un assassin ? Cette fois, c'était celle de trop et Shiro ne pouvait laisser planer le doute. Il arriva silencieusement derrière la silhouette et agrippa son épaule.



Il lui lança un regard noir dans le but de l’intimider, mais l’inconnu ne se laissa pas faire et jeta une poignée de sable dans les yeux du pauvre Chunin qui lâcha prise sous l’effet de surprise.



Il s’essuya les yeux avant de chercher le suspect qui venait de disparaître dans la foule.
Il passa plusieurs minutes à chercher sans succès. Shiro aurait bien voulu régler ça tout seul, mais si la vie de Naoko était en danger, elle méritait de le savoir.

Ni une, ni deux, il pénétra la demeure de la jeune femme à pas de loup. Il connaissait bien toutes les dispositions du lieu et se fraya un chemin entre les différents meubles jusque dans la chambre de la Jonin.

Telle une ombre, il passa la porte et s’adossa contre le mur, observant discrètement Naoko. Fallait-il vraiment qu’il l’inquiète avec cette histoire ? Elle avait peut-être mieux à faire. En plus, c’était quelque chose que quelques coups de poings pouvaient régler.

Il adossa sa tête contre le mur, essayant de peser le pour et le contre.

Naoko remarqua assez vite sa présence et le délogea.



Il donna un coup de hanche pour se décoller du mur et approcha de sa camarade.




Une fois sur le balcon, Shiro se mit dos au paysage. Il ne savait pas trop comment aborder le sujet normalement. Il regarda quelques secondes sa camarade avant de soupirer.



Il se retourna en regardant le soleil se coucher à l’horizon.



Le chunin se frotta son œil meurtri par le sable.

Naoko eut un petit sourire en entendant la plaisanterie de son meilleur ami, plaisanterie qui était d'autant plus drôle qu'elle était vraie. Presque devenue une blague récurrente, il aimait bien lui rappeler la proie facile qu'elle serait pour lui, et elle savait qu'elle ne serait pas en train de se tenir où elle était si il n'avait pas été là.

Le beau visage de son duo entra dans son champ de vision alors qu'il s'adossa au balcon pour la regarder. Elle esquiva son regard quelques secondes, avant de plonger son regard ambré dans les yeux tout aussi doré de son plus fidèle ami. Combien de fois n'avaient il pas partagé de moments ensemble, dans les plus grandes victoires comme dans les défaites ?

Et pourtant, elle le pressentait. Ce n'était pas une simple journée de routine, concluant une journée de travail bien remplie de la part de son camarade chuunin.

Les mots qui sortirent de la bouche de son ami la firent frissonner. Elle eut une petite mimique suggérant une forte émotion, mais reprit très vite le contrôle. Etait-ce de la colère ? De la peur ? De la surprise ? Ou peut-être un mélange d'un peu des trois ?

Elle vint mettre sa tête entre ses mains, ses coudes sur le balcon. Combien de fois les orphelins du désert n'avaient-ils pas joué avec la mort pour espérer gagner un peu de survie, un peu d’ascension sociale ? Naoko et Shiro avaient déjà tout joué à pile ou face, plusieurs fois. Mais, pourtant, cette fois-ci, la jonin avait franchi un cap. C'était plus que tout ce qu'ils avaient pu penser, espérer un jour accomplir.

C'était le coup du siècle.

Elle se redressa, attrapant la rambarde et la serrant de toutes ses forces si bien que les jointures de ses mains devinrent blanches.



La jonin gloussa, gloussa encore, avant d'éclater d'un rire cristallin qui vint se répercuter dans toute la ville. Elle rit pendant une bonne trentaine de secondes, comme une véritable folle, avant de se calmer un peu et récupérer son souffle. Elle recula légèrement de shiro, comme pour embrasser son portrait d'un seul regard, avant de lui tendre la main comme pour lui suggérer une danse.



Des larmes commencèrent à couler sur les joues de la jeune femme. Larmes de joie et de tristesse, larmes de fatigue et de honte. Jamais ne pouvait-elle plus puissante que quand son ombre la couvrait, et jamais ne pouvait-elle être plus fragile qu'en face de lui.

Après une bataille rudement bien menée avec son doigt, Shiro réussit à déloger cette fichue poussière et se retourna vers sa camarade. Naoko était en train d’essayer d’arracher la rambarde de son balcon. Ce que le Chunin lui avait dit l’avait énervée ?

Il écouta sa réponse attentivement. Elle avait fait quelque chose, mais quoi ?

Plus elle parlait et plus Shiro commençait à s'inquiéter. Il fronça les sourcils lorsque son amie se mit à rire. Il tenta de l'approcher, mais elle fit un pas en arrière.

Ça faisait combien de temps qu'ils se connaissaient ? Combien de temps qu'ils se pratiquaient ? D'habitude, Shiro arrivait à deviner à peu près ce que Naoko pensait, mais là, il était dans le flou total. Pour se mettre dans cet état, ce n'était pas quelque chose récente. Comment avait-il pu passer à côté de ça ?



Il n’eut même pas le temps de finir ce qu’il disait que Naoko lui tendit la main en lui demandant une dernière danse.



Shiro sourit avant de saisir la main de la Jonin. Il la ramena vers lui et la serra dans ses bras. Il finit par lui poser une main sur les hanches. Shiro n’était pas un danseur né, mais il avait quelques notions. En plus, il dut apprendre des pas de danse pour une fête un peu huppée pour une mission.  



Ils commencèrent à se mouvoir sur un fond de musique imaginaire.




Il la fit tourner sur elle-même.  Shiro essayait de détendre cette atmosphère qui était si lourde.



Il s’arrêta quelques instants et plongea son regard dans celui de sa partenaire.



Il reprit la danse en soufflant du nez.



Il comptait bien découvrir le problème et le régler pour éviter que Naoko ne continue de se prendre autant la tête.

Alors, il dansèrent.

Ce n'était pas une danse magnifique, pas une danse que l'on voit dans un château ou dans un bal prestigieux. C'était la danse de deux enfants du désert, qui n'avaient toute leur vie que connus la misère et la précarité, qui avaient toute leur vie uniquement compté l'un sur l'autre.

Alors, d'une danse énergique sur une musique imaginaire, les deux orphelins dansaient.

La présence et le contact de son ami de toujours détendirent la jeune femme, dont la faiblesse et la légère fissure dans l'armure avaient été comblés par la présence de celui qui veillait sur elle. Elle avait oublié, l'espace d'un instant, qui ils étaient.

Il étaient Naoko et Shiro, fils et fille du désert. Ils étaient des laissés pour compte à qui la vie avait donné une opportunité, et qui finiraient par conquérir le monde pour atterir tout en haut du haut de l'humanité.

Un jour, le monde sera à leurs pieds.

Alors, toujours contre celui qui la protégeais, la jonin décida de commencer à passer aux choses sérieuses. Il était temps pour lui de savoir tout ce que Naoko pouvait ressentir, et tout ce qu'elle avait sur le cœur.

Et la suite sera en hide, bande de coquins voyeurs.