# L'héritage de Kadan Akira Mar 14 Mai - 10:56
Tempus edax rerum
Silence. Les corps marchaient à proximité, les âmes elles restaient distantes. Le retour de Kaigarakome fut pénible, alourdi par la victoire amère, le vide du sacrifice. Le Kaice d'ordinaire si bavard se muait dans le silence, s'éloignant volontairement de la Kara, afin de ne pas purement et simplement tenter de lui ouvrir le ventre. Le masque de folie s'était brisé, mais la rancœur elle restait intacte.
De retour au village, le Souhei se contenta d'un minimum de formalité. Il aurait pu rechercher Hotaru, et partager sa peine avec une épaule alliée, ou encore se rendre au Temple pour chercher refuge auprès des Kamis. Non, ses pas l'emmenèrent à l'écart de la foule. Loin des alliés et des biens pensants, dans les ruelles des quartiers commerçants.
La lune parcourait depuis longtemps le ciel lorsqu'il s'approchait lentement du temple. Son baluchon de voyage encore sur son dos, il titubait plus qu'il ne marchait. Plusieurs fois il manqua de trébucher sur le pont suspendu, s'arrêtant alors pour observer le vide, un sourire mauvais aux lèvres.
Eh eh, pas aujourd'hui frangin, t'es trop pressé ! J'ai même pas fini ma bouteille.
Des mots lâchés à un fantôme. Cependant alors qu'il se rapprochait du Temple, son état s'empirait. Un énième pas de côté, cette fois la jarre de saké alla s'écraser contre les montagnes, et Maho aurait sans doute suivi sa trajectoire, si une main n'agrippa pas son épaule.
- Maho-san ? Le jeune homme n'eut pas le temps de finir que le scarifié le repoussa violemment. Son visage se retrouvant alors mystérieusement au sol... Pourquoi diantre le sol se mettait-il à valser hein ?! Son langage corporel ainsi que son odeur ne trompaient personne. Il était ivre mort. Pourtant aujourd'hui personne ne lui en tiendrait rigueur. Les moines de garde s'approchèrent, ignorant ses plaintes et injures. Aujourd'hui la sévérité d'Hachiman faisait place à la compassion d'Omoikane.
Migraine. Il se leva en sursaut, les lèvres sèches, le souffle court, et la sensation horrible d'un étau compressant sa boite crânienne. Il reconnaissait les murs de sa chambre, le confort du lit... Il avait même des vêtements propres ?
Quelques minutes d'hébètements, puis la mémoire s'invita au présent. Kyubi, scellement, sacrifice. Douleur de la perte. L'alcool n'avait pas su endormir sa peine, alors il se laissait aller à d'autres vices. De multiples mains avaient parcourus son corps. Ce soir il avait plongé dans les tréfonds de Seizan. Images de différents visages. Rires sadiques, gémissement de plaisirs, il avait plongé dans une marée de chair, afin d'anesthésier l'esprit.
Hélas le jour succédait toujours à la nuit. Avec lui la lucidité, les souvenirs... Ses traits se durcirent, sa mâchoire se contractant tandis que ses dents grinçaient l'une contre l'autre.
Tss... Kyoshiro t'es vraiment un idiot... Après tout ce qu'on a traversé, comment tu peux décider d'arrêter juste comme ça ? T'étais sensé atteindre les sommets putain. Crever pour sauver un joli minois, c'est mon genre de connerie ça.
Pour quelques secondes ses lèvres s'étirèrent. Un sourire sincère, un sourire mélancolique, puis une goutte d'eau chuta sur sa paume. Les larmes se transformèrent en sanglot. Un deuil dans l'ombre, à l'abris des regards. Un deuil dans la solitude. Son visage s'enfonçant dans ses mains, son âme ressentait enfin la morsure de la perte.
" Tu es vraiment magnifique Maho. "
Eclair du passé brisant le sanglot. Tout à sa tristesse, Maho fut assailli par un autre fantôme. Cela faisait bien des années qu'il n'avait pas songé à cet homme. Pourtant aujourd'hui le parfum de mousse fraîche envahit ses narines. De tous ses démons, Kadan Akira était le dernier qu'il s'attendait à retrouver.
Cependant les souvenirs de leurs étreintes, des baisers, se firent plus vivaces. Et avec eux vinrent la sensation des étaux sur ses poignets, des épines sur sa peau. Un sourire amer perçait au travers des larmes.
Eh eh eh... D'accord Akira, tu gagnes. Bien-sûr que je ne t'ai pas oublié, bien-sûr que je t'aime encore... Tu avais peut-être raison après tout. Je suis fatigué.
Lentement le Souhei se leva. Quelque pas dans sa modeste chambre, il s'accroupit, et saisit doucement une des lattes du parquet. Celle-ci n'offrit presque aucune résistance, s'extirpant pour laisser place à un fouet taché de sang. Le Kaice posa l'ustensile contre le sol, révélant une cache plus petite, une boite recouverte de poussière.
Il s'en saisit, ôtant tendrement la poussière, le cœur rivé vers le passé.
Je suis fatigué de lutter contre ma nature... J'ai essayé de m'en débarrasser tu sais. Même Kyoshiro ne sait pas que j'ai gardé quelque chose de toi. M'enfin, j'ai essayé de marcher dans la lumière. Il est peut-être temps d'embrasser la voie des ombres. Sincèrement, je dois être sacrément fêlé pour penser que tu me manques...
Le coffret résista quelque peu, mais il parvint à l'ouvrir. Avec lui des menottes brisées, symbole de sa libération, puis un journal. Du papier avec les mots de son ancien mentor. Les détails de ses expériences, et d'une certaine façon, la preuve de son amour.
Car malgré la torture, malgré les multiples sévices, Kadan Akira l'avait sincèrement aimé. Autrement, pourquoi serait-il aller aussi loin ? Pourquoi risquer sa réputation, sa position, sa vie, si ce n'était pour préparer son disciple adoré aux enseignements de Jashin ? Le Kaice n'adhérait pas à leur philosophie, mais sa chair elle, était empreinte de leurs coutumes.
Et dans ce journal le scarifié trouverait une carte. Un chemin vers l'illumination, ou une descente en enfer.
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