Il se tenait là, nonchalant, ses cheveux nouvellement colorés dans un rose poudré qui faisait ressortir son teint légèrement hâlé par le soleil. Ses yeux se dissimulaient derrière des verres fumés verdoyants, jusqu'à ce qu'ils glissassent sur son nez à l'instant où il chercha à allumer sa cigarette en baissant légèrement la tête. À ses côtés, il y avait une femme, plutôt belle, mais qui paraissait désespérée au point d'atteindre devant sa porte. Elle avait attendu des heures en tournant comme une lionne en cage qu'il daigna enfin sortir.

" Honoken, je t'en supplie. Tu peux parler à Nobu ? Dis-lui que ce n'était rien du tout, dis-lui de me reprendre... Je t'en supplie. "

Le jonin releva lentement le visage vers elle, jetant un regard dédaigneux avant de remonter ses lunettes.

" Rien du tout ? C'était pas ce que tu disais, chérie... et je te rappelle que je t'ai forcé à rien et t'en a redemandé. Alors, tes emmerdes avec mon frère, tu t'en démerdes. Ça me regarde pas. "

Alors qu'elle trépignait, présentement plus agacée par cette réponse comme si le Hoshino n'était pas concerné, elle l'attrapa par la manche de sa veste, alors qu'il commençait à cracher son premier rond de fumée.

" Comment ça, ça ne te regarde pas ! C'est toi qui m'a séduite ! Tu l'as fait exprès pour mettre Nobu hors de lui !! Mais je me rends compte que j'aime ton frère et il refuse de me parler. Si tu lui dis que tout est de ta faute... il...  "

" MA faute ?  Haha ! HAHAHA ! On croit rêver ! Haha ! "

Honoken se mit à rire, sans retenue, ne faisant qu'humilier un peu plus la jeune femme qui avait espéré... on ne savait guère ce qu'elle espérait en réalité. Si elle avait imaginé qu'il se montrait "sympathique", c'était qu'elle ne le connaissait vraiment pas. N'avait-elle rien compris lors de cette matinée fatidique ? Visiblement... C'était à ce moment-là qu'il s'approcha d'elle, lui saisit durement le menton pour la regarder dans les yeux.

" Ne me fous pas sur les dos tes erreurs de putain. T'allais te marier et t'as craché sur ton contrat avant même de l'avoir signé. Et tu te plains ? Tu mérites même pas mon abruti de frère, si t'es pas capable de pas écarter les jambes après deux compliments. Alors va chier. "

Honoken relâcha violamment sa prise, laissant cette pauvre fille dans le désarroi. Mais avait-il tort ? Il imaginait que non, et elle savait aussi qu'elle était en faute. Lui, il n'était que le catalyseur de sa bêtise et de ses doutes. Elle avait juste fait la connerie d'y plonger sans réfléchir aux conséquences. Pourquoi devrait-il y être mêlé ? Il en avait rien à cirer.

Cette altercation avait eu lieu en début de soirée, et on aurait pu croire que cela aurait ennuyé le sakyuujin. A vrai dire, cela lui était totalement passé au-dessus de la tête et il était rare que quelque chose vint à véritablement le toucher, à moins que cela vint toucher à ses plates-bandes. Qu'aurait-il à faire du reste ? Rien. D'ailleurs, s'il était sorti, c'était pour prendre du bon temps. Il avait quelques adresses qui valaient le détour, généralement dans les quartiers chauds de la ville et ce, qu'importait ce que vous y cherchiez : chair, paradis artificiel, alchool,... C'était ce qu'il trouvait grandiose dans ce village. S'il existait une facette où tout le monde aimait se donner un genre, dès que la nuit tombait, les masques aussi.

C'était ainsi qu'il passa de bonnes et longues heures dans les recoins peu recommandables de Sakyuu. Il y avait déjà un nom, on savait qu'il était un "bon" client, tant qu'on ne l'emmerdait pas. Son grade de jonin aidait aussi beaucoup à lui ouvrir quelques portes ou éviter les embrouilles inutiles, bien qu'en réalité, sa nature imprévisible était ce qui angoissait ceux qui l'entouraient. Il était capable de soulever les tables comme les femmes, obéissant à sa nature versatile. Ses colères pouvaient être ponctuelles, bien que souvent exacerbés par un excès de boisson. Il n'aimait personne et il le rendait bien au monde.

Quoiqu'il en fût, après s'être "amusé" un temps, il reprit le chemin du retour, la cigarette de nouveau à la bouche, avant d'être accosté par un drôle d'énergumène qu'il dévisagea de haut en bas. Ses lunettes n'étaient plus sur son nez, mais agrippées par une branche sur le haut de sa chemise. Le peu de lumière ne lui permettait pas de les porter, mais cela trahit l'aspect vairon de ses yeux.

" Un moine ? Qui traîne dans les rues à cette heure ? Cette blague. "

Pour Honoken, les religieux étaient une fumisterie. Il ne les avait jamais portés dans son cœur, bien au contraire, il prenait habituellement un malin plaisir à les foutre dans la merde ou les pétrir dans leur contradiction. On vous laissait imaginer le nombre de "bonnes sœurs" qui avait renié quelques-uns de leurs vœux...

" Garde tes obligeances pour toi, l'eunuque. Mais dans de la chance que je sois bon prince. Une clope pour un verre, hein ? Fais-toi plaisir. "

Sur ces mots, il sortit de sa poche un paquet et laissa au moine le loisir de sélectionner sa tige de tabac. Il y avait également quelques allumettes glissées à l'intérieur. Et quand il fut servi, Honoken fit un signe du menton en direction du bar d'à côté.

" J'espère que t'as de la monnaie. Je prendrai le truc le plus cher. "

Le meilleur pour le meilleur.