Il avait été bien des choses. Il était passé de rôle en rôle, de visage en visage, de genre en genre, on peut dire qu'il était beaucoup, mais au final seul face à lui-même, il se rend compte qu'il n'est qu'un inconnu. On lui a offert l'opportunité de se révéler de ne plus avoir à chercher la complaisance des autres. Le droit de contempler son reflet avec la plus grande des justesses. Il n'était plus le joué de Kaleah, n'avait plus à porter le fardeau du secret et avait maintenant trouvé plus que des amis, une véritable famille. Machinalement sa main se porte sur son kimono, à l'emplacement du cœur, le symbole qui régit maintenant sa vie : celui du clan Yamanaka. Kaze Akahiko à vécu des moments difficiles, mais il s'est maintenant éteint pour laisser place à Yamanaka Akahiko. La tornade de l'enfant rouge laissant place à l'enfant rouge dans la montagne. Une révélation des plus justes quand on voit où vit maintenant l'ex Jonin de Jujou et membre de Mugen.

Yamanaka Ao, son ami, son frère, lui avait conté l'histoire de sa famille, originaire des grandes montagnes entourant Seizan. Akahiko a naturellement voulu s'y rendre, trouver les racines de ce clan devenu le sien. Comprendre le sens profond de cette nouvelle existence, s'imprégner de ce qu'il pensait être un nouveau rôle avant de se rendre compte qu'il ne devait pas être acteur. Aucune raison de jouer une quelconque comédie. Il devait se voir lui-même. Se regarder au plus profond de son être. Il n'avait jamais fait cela. Il n'avait jamais apprécié son propre reflet ; ses cheveux rouge sang, se regard morne, se visage asexué. Non il ne se trouvait pas élégant, ce n'est que le charme des autres qui lui a permis d'exister quelque temps. Des victimes d'une fausse luxure qui jonchent le sol et qui l'on fait croire qu'il était "désirable", qu'il devait leur paraître "beau". Mais intérieurement l'homme se sait pourri. Aucun étonnement quant à son incapacité à se faire des amis, en réalité il a mordu presque chacune des mains qui lui avaient été tendus. Jusqu'à l'arrivée du bleuté, son pendant bénéfique.

Il était au rouge ce que Ao était au bleu. Deux couleurs opposées sur les palettes artistiques des dieux. Akahiko a vu en lui un miroir, un reflet biaisé de ce que pouvait être un Homme assumé. Un "lui" d'un autre monde, un "lui" qui aurait des amis, n'aurait pas peur du jugement des autres, un "lui" différent. Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que, quand Ao ait osé lui donner le symbole de son unicité, Akahiko s'en est revêtit comme si cela avait toujours été le sien.  Ce n'est qu'en arrivant sur les terres des origines de ce Kamon que le rouge s'est rendu compte dans sa retraite de solitude qu'il devait maintenant apprendre à s'aimer pour lui-même. Une forte introspection qui le pousse à prendre les différents visages de sa vie au fil des jours. Tantôt femme, tantôt homme, parfois un savant mélange des deux ou alors un non-genre assumé.

Il se force à adopter la position du lotus, à fermer les yeux et à se regarder de l'intérieur. Apprendre à contrôler son souffle est un premier exercice qu'il trouve difficile, reconnecter ses sens encore pire, percevoir pleinement la mécanique humaine insupportable et surtout canaliser cette autre chose qui est maintenant logée au cœur de ses entrailles lui paraît presque impossible. Le pacte qu'il a signé avec le démon reste indélébile, quand bien même il arbore un autre nom et se jette à cœur perdu dans cette nouvelle vie. L'entraînement dure chaque jour un peu plus longtemps. Il s'obstine en des pratiques yogistes comme s'il s'agissait là d'un acte salvateur. Lui qui devient petit à petit l'Ermite des Montagnes Géantes.

Son campement n'est que de fortune, rassemblement de branche éparses et de feuillage rouge. Il se plaît à contempler les restes de ce qui fut autrefois plus grand. Un champ entier d'aconits maintenant laissé à l'abandon alors que dans l'esprit de certain il y figure toujours de manière bien entretenu. Difficile de laisser derrière soi un passé bien trop tortueux, pourtant c’était souvent le terreau fertile de personnes incroyables. La résilience humaine est une chose des plus remarquables d’autant plus que l’Homme ne semble jamais pouvoir évoluer sans se blesser. Après tout n’avait-il pas fallu que les yokai naissent pour qu’à son tour le chakra viennent à naître chez les Hommes ? Un phénomène encore inexpliqué de nos jours. Pourtant le rouge sait qu’il existe des choses en dehors de la compréhension humaine comme ce qu’il loge en lui.

Les jours se poursuivent et le rouge apprend à se connaître et à se maîtriser sous bien des aspects. Lui qui était considéré comme le plus faible des Mugen trouve qu’il a nettement progressé avec la discipline qu’il s'est instaurée. Si cela à des allures de retraite monacale il n’en est pourtant rien. Akahiko se prépare aux changements, car ceux à venir demanderont beaucoup à l’humanité entière. L’ère des Rois ne fait que débuter. Ce que l’ermite à toutefois oublié c’est que, comme au Shogi avant d’attaquer le Roi il y a d’autres pièces qui viennent à se rencontrer.



Difficile de ne pas sentir la présence de Kurai, la Colère, membre de Mugen et sabreur fou incapable de résister à ses instincts. S’il y avait bien une personne que Akahiko n’apprécie pas c’était bien lui et cela semble être réciproque.



Un autre jujoujin et membre de Mugen qui au final ne défendait en rien les intérêts de sa nation. Akahiko avait eu beaucoup de mal à collaborer avec lui lors de leur départ du village et pour cause leurs actions sont diamétralement opposées.

Comme il s'en doutait, cette sale vermine de Shunzui avait fait venir Kurai à lui. Celui qu'on surnomme Orgueil ne se fait pas prier pour sortir du couvert d'un arbre et faire un petit signe à Akahiko. Cet homme est imbue de lui-même et de ses capacités, tout comme celui qui fait face  au rouge n'est qu'une boule de nerfs ambulante. Difficiles de dire qu'aucun des trois hommes présents en ce lieu n'incarnent parfaitement l'un des sept défauts de l'Humanité. Vouloir être aimé ne devrait pourtant pas être un péché. Mais si autrefois le rouge n'était que Luxure, aujourd'hui, il est devenu quelqu'un d'autre. Quelqu'un qui n'était pas près à lâcher si facilement sa nouvelle vie.

Colère fait déferler sa puissance, diffusant son chakra malsain dans l'air afin de faire peur à l'ex Jujoujin. C'était peine perdu. Akahiko était un espion-assassin, il était naturellement entraîné à affronter le pire, à devoir subir des interrogatoires musclés, à contrer la peur et surtout à supporter les pires tortures.  Les mêmes qu'il avait lui-même infligés aux autres. La victime devenait parfois bourreau. La Résilience lui permettait de se mouvoir sans trop trembler (Résilience - C2.2 Palais mental - Rang A).  Il appréhendait toutefois le coup à venir, Kurai était un excellent combattant à l'épée, aucun doute qu'il allait s'en servir. Au désavantage du rouge qui n'apprécie guère le combat au corps à corps. Tant qu'il le maintiendrait à distance, il n'y aura pas de problème.

Le coup du Gekirin était vicieux. Il projette son chakra à travers sa lame pour attaquer à distance, obligeant Akahiko à former une rapide défense.



Le rouge exécute les quelques mudras qui lui permettent de faire apparaître un mur de glace (Ninjutsu - C3 Nouvel élément - Bijuu - Rang A) entre lui et son agresseur. Cette défense lui permet de résister facilement à l’assaut de Kurai, il ne peut toutefois pas se permettre de perdre ainsi autant de chakra juste en défendant. Le mur de glace se brise naturellement sous l’assaut et Akahiko se lance dans une nouvelle série de mudras.



Cette fois ce sont dix plaques de glace qui viennent se former autour de Colère (Ninjutsu - C3 Nouvel élément - Bijuu - Rang A) telle une cage mais avec assez d’espace pour permettre à l’étrange oiseau de s’enfuir. Akahiko se glisse alors à l’intérieur de l’un des miroirs (Assassin - C3 Maître Assassin) et les autres reflètent alors son image donnant l’impression qu’il se trouve partout à la fois. Si bien entendu Kurai avait remarqué dans quel miroir l’homme c’était enfoncé il lui sera toutefois difficile de suivre les déplacements du rouge qui venait de se déplacer dans un autre sans en donner l’impression (Vitesse - C3 Trajet Instantané). Certes ce n’était pas un exploit qu’il pouvait renouveler indéfiniment mais son adversaire n’avait au final qu’une chance sur dix de le toucher.



Le rouge jubile quelque peu. Il maîtrise plus facilement le Hyoton qu’avant sa retraite sur cette montagne. On peut dire qu’il est au paroxysme de sa puissance, en espérant que celle-ci soit suffisante. Toutefois s’il semblait avoir trouver la défense parfaite il fallait qu’il ne se montre pas en reste en terme d’attaque. La silhouette reflétée récupère alors des senbons dans sa poche et les lance face à lui. S'il aurait été facile de repérer de quel miroir les armes sortent, leurs trajectoires atypiques ne le permettent guère en réalité (Lancer - C2.2 Sniper). Ce n’était sans doute pas une grosse attaque mais elle avait le mérite de piquer à vif le sabreur.

Le rouge l’écoute avec attention, quand bien même il n’a pas réellement le temps de s’attarder sur son cas avec Shunzui toujours présent dans les parages, il n’en demeure pas moins qu’il respecte les dernières paroles d’un presque mort. Il en avait toujours été ainsi, quand bien même était-il en train de retirer du bout d’une pince le dernier souffle de vie de sa victime. Akahiko était cependant surpris des paroles de son ancien camarade, un secret, rien que ça. Ce qui était le plus douloureux pour l’ex jujoujin c’était de savoir que Junzen en avait eu pour lui. Une preuve de plus qu’ils n’avaient jamais vraiment été amis.  

Akahiko repère rapidement les mudras que fait Colère. Ce qui l’oblige à soulever ses sourcils d’étonnement. L’épéiste sait donc manier le ninjutsu et non sans une certaine aisance. Une sphère opaque se forme alors dans ses mains, une technique complètement inconnue pour le rouge qui décide de se préparer au choc (Explosivité - C2.2 Propulsion + Résistance - C2.2 Rempart). Alors qu’il s’apprête à lancer une nouvelle salve de kunai, la sphère entre les mains du Gekirin se divise pour s’élancer en de multiples lances vers le ciel. Une technique d’une telle envergure qu’elle vient frapper la totalité des miroirs de plein fouet. Par instinct le Yamanaka porte sa main à son ventre, la ou la lame ténébreuse avait transpercé ses multiples reflets et lui-même. Il n’y avait nulle trace de coup, nulle trace de douleur, toutefois les miroirs de glaces se sont naturellement brisés, soudainement privés de solidité, de consistance ou de chakra. Akahiko ne saurait le dire. Le fait est qu’il tombe tel un oisillon essayant de voler pour la première fois en chutant de son nid.

S’il parvient à se récupérer de justesse au sol, sous le choc de cette action étrange, il ne parvient pas à esquisser un seul mouvement. Ses yeux ont à peine le temps de se lever sur son adversaire que ce dernier s’élance vers lui sabre à la main pour le découper.

Sa peau se lacère inévitablement, son sang se met à couler, il a subi des dégâts qui le rapprochent dangereusement de la mort et il le sait un petit coup en plus et il sera définitivement dans la tombe. Il se doit toutefois de tout tenter. De faire honneur à sa nouvelle condition, sa nouvelle famille, il l’a promis.




Doux euphémisme alors qu’il tient à peine debout et que son bras ceinture son ventre pour ne pas laisser ses organes se déverser. Il ne veut rien lâcher, il ne veut pas perdre. Il doit vivre, il doit gagner. Lui, le plus faible, le plus sous-estimé. Il a réussi à le maîtriser, il sait comment faire alors il doit le faire. Dans son esprit il lui semble entendre un simple mot, prononcé par son frère bleuté : V I S !

Il relâche la pression de son bras, laissant battre ses deux membres de chaque côté de son corps, baissant la tête pour voir la flaque carmin à ses pieds. C’est pathétique, lui qui aime ce rouge n’avait jamais vu son corps s’en vêtir autant. Le propre de l’assassin c’est de tuer sans avoir une seule tâche sur lui, en cela il a échoué, mais encore une fois il n’est plus celui qu’il était. L’ermite du jardin d’aconits…

Une masse de chakra rouge, semblable à de l’eau bouillante, vient à s’échapper de ses plaies pour le recouvrir entièrement. Une gangue de chakra peu commune que le Gekirin n’aura aucun mal à reconnaître. Quand le chakra recouvre telle une seconde peau l’entièreté de Akahiko un phénomène secondaire vient à se manifester. Sa peau vient à s’arracher par lambeau, se désagrégeant au contact de l’obscure chakra pour ne laisser paraître qu’une être de rouge. Sa respiration est haletante et des grognements informes s’échappent de sa bouche. Cette transformation ne se fait pas sans douleur mais elle est sans doute la dernière carte qu’il peut jouer. La pression de cette nouvelle force l’oblige à se mettre à quatre pattes tel le démon qui l’habite.

(Jinchuuriki - C2 Thériomorphe):

Une sphère de glace vient alors se former devant sa gueule avant de se façonner en un éperon de glace assez gros pour écraser un homme (Ninjutsu - C3 Nouvel élément - Bijuu - Rang S). L’artefact de glace est alors projeté sur Colère dans le but de l’anéantir.

Sa colère bout. Ultime refuge de son âme qui ne souhaite pas encore quitter ce monde. Ses actes sont sans doute idiot, pourquoi s’accrocher quand on sait que la victoire semble vous échapper ? Pour Akahiko cela se résumait au simple symbole qui ornait son vêtement. Son nouveau clan, sa nouvelle famille, sa nouvelle vie. Voilà ce qui lui donnait de l’espoir, une nouvelle raison d’être et surtout une raison de se battre jusqu’au bout. Leur faire honneur, lui faire honneur surtout. L’image de Yamanaka Ao s’impose à son esprit comme un être rayonnant qui lui tend une main sans contrepartie. L’éclat bleu de sa chevelure est semblable à ce pic de glace qui se dirige sur leur ennemi commun.

Le Gekirin ne se laissera pas faire pour autant, il le sait, la Colère n’a pas dit son dernier mot. Pourtant déjà le Yamanaka peine à tenir, son corps le fait atrocement souffrir, résultat de cette transformation en démon. Sa vision se brouille tandis que son adversaire découpe en deux le projectile de glace censé le terrasser. Il s’élance déjà vers lui pour le terrasser. Akahiko a envie de bouger mais ses membres ne lui répondent déjà plus. Il est incapable de faire le moindre mouvement, le contrecoup de sa technique se fait déjà ressentir. Ne pouvant supporter de regarder le Shinigami en face, il ferme les yeux tandis que la lame vient à le pourfendre. La douleur n’est pas aussi vive qu’il l’imaginait. Entaillé du torse jusqu’au visage, fermant définitivement sa paupière gauche, il se sent chuter sur le sol. L’odeur des aconits lui parvient aux narines et il se rappelle alors sa rencontre avec son frère où ils avaient discuté des propriétés uniques de cette plante.

Il sent le chakra du démon se rétracter en son sein, la colère s’effaçant de son esprit par la même occasion. Il retrouve les sensations de son corps une dernière fois. Il sent déjà le froid envahir ses mains et ses pieds.

C’est donc à ça que ça ressemble les derniers instants ?

Lui qui avait si souvent donné la mort se demandait ce que les autres ressentaient à cet instant. Certains même n’avaient pas eu le temps de voir son visage qu’ils s’écroulaient déjà comme des poupées désarticulées. La mort peut être sauvage parfois et vous arracher à votre vie si facilement. Pourtant, oui pourtant, ça ne faisait pas mal, ces douleurs semblaient s’envoler une à une, le laissant seul avec lui-même. L’odeur des aconits s’atténue un peu plus à chaque respiration et il devient de plus en plus dur d’inspirer et d’expirer cet air. Son esprit lui semble beaucoup plus vif, se libérant de la chair et de ses regrets. Il aura ainsi vécu plusieurs vies avant d’achever celle-ci.

Aujourd’hui s’éteint Kaze Akahiko, jonin de Jujou et membre de la brigade d’interrogation, mais aussi Kaze Akahiko, surnommé Luxure, membre de Mugen et encore Yamanaka Akahiko, l’ermite du jardin d’aconits.

Il sourit imaginant cette longue épitaphe sur sa tombe, oui il avait été tout ça : l’ami, le frère, l’amante, la sœur. Il avait vécu le drame, la tragédie, l’amour et le bonheur. À chaque instant il était demeuré lui-même en toute complexité et c’est dans un dernier sourire qu’il expire une dernière fois.