Se pourrait-il que la brigade ait de nouveau le vent en poupe ?
Voilà une bien étrange interrogation pour le Spectre. Lui qui n’avait pas reçu beaucoup de candidature auparavant avait pris sous son aile Usui Shizuka et maintenant s’apprêtait à interroger @Miura Shigure sur ses motivations à pénétrer dans la brigade de Kyuushuu. Il faut que sa mentor - Usui Shizuka - ayant été fraîchement recruté cela peut lui avoir donné des idées. Une brigade du secret et de l’information qui recrute par le bouche à oreille, il n’y a rien de bien étonnant à cela.

Si d’ordinaire il aime fixer les rendez-vous aujourd’hui il préfère cueillir lui-même son candidat. Il avait étudié ses faits et gestes pendant plusieurs jours, appris à le connaître en quelques sortes et l’on ne peut pas dire que c’est un enfant de cœur. Cruel, arrogant, une bouche pleine de vipère, il n’en demeure pas moins un apothicaire brillant aux recherches intéressantes et sans doute très ambivalent. Mais Ojisan - comme il aime se faire appeler - se fout éperdument des manières employés par ses subordonnées, tant qu’ils sont fidèle à Toge ils peuvent être des fous furieux. Après tout, son rôle consiste également à assassiner les cibles nuisibles au Togekage et au village.

C’est dans un café qu’il retrouve Shigure. Habillé d’un kimono gris, son masque de Kabuki sur le visage et une canne à la main, le jeune homme est quelque peu surpris de se faire accoster par le Spectre.



L’homme prend place à côté du Chuunin, croise ses jambes tandis que ses mains se joignent sur le pommeau de sa canne. À n’en pas douter on croirait voir l’un de ses nobles de Teito.



L’insinuation n’est pas sans pic, ami ou ennemi, difficile de comprendre où veut en venir le Spectre. Une serveuse s’approche d’ailleurs de lui et il se contente de lui commander un café noir tout en précisant qu’il le prend sans sucre. Le fait qu’il prenne ses aises montre déjà à son interlocuteur que l’entretien peut durer un moment.

“Mayoi Tamashii no Kafe”, petit commerce discret de Toge. Pas du tout idéalement situé dans le quartier marchand, ce café était un endroit où Shigure aimait bien flâner lorsque qu’il voulait faire une pause dans ses recherches. S’il aimait rester ici, ce n’était pas pour son café qui était dégueulasse ou sa serveuse aussi agréable qu’un Usui en rut, mais pour son ambiance morose, ses lumières tamisées par des rideaux miteux et aussi le fait qu’il le laissait fumer tranquillement.

Ce jour-ci, Shigure s'était heurté à un mur ! Il avait fait chou blanc avec la pilule qu’il avait refourgué au gamin qui s’était introduit chez lui. Plus une trace dans son organisme, aucun effet secondaire ! Il n’était pas démoralisé, loin de là, un résultat reste un résultat et vient avec son lot d’information, mais il avait besoin de sa dose de caféine avant de repartir faire de la magie avec ses plantes. Poussant un énième soupire devant son café noir comme son âme, l’alchimiste essaya tant bien que mal de s’allumer une de ses cigarettes.

Pendant son opération, il vit une sorte de type assez bizarre, équipé d’un masque, marcher dans sa direction à l’aide d’une canne. Le chunin fut assez surpris qu’un vieux monsieur lui adresse la parole dans un endroit comme celui-ci et surtout qu’il connaît son nom, mais il l’écouta se présenter et l’invita même à s’asseoir.

Cette situation était assez cocasse, qui n’a jamais eu à boire son café devant un vieux masqué. Ce dernier était venu dans le but de réaliser un entretien avec l'alchimiste concernant sa demande d’intégration à la brigade Kyuushuu.



Le vieux masqué s’installa à la table. Rien que dans sa posture, on pouvait voir que ce n’était pas n’importe qui. Une posture qu’une personne confiante ou venant d’un milieu aisé pouvait prendre. Même si avec son masque et son kimono gris, il ressemblait plus à un clochard, Ojisan avait une certaine prestance et le montrait.



La seule personne qui aurait/avait pu le recommander pour ce post ne pouvait être que Shizuka, après tout, les autres ne comprenaient ou ne connaissaient pas son génie. Son invité commanda un café noir sans sucre, marque d’un homme de goût. Shigure lâcha la fumée qu’il venait d’inspirer tout en fixant du regard l’homme masqué. Ce dernier lui posa une question simple, pourquoi voulait-il rejoindre la brigade ? S’il voulait clairement affronter le monde en compagnie de Shizuka, ce n’était pas l’unique raison qui animait sa demande.



Shigure attrapa sa tasse de café avec sa main libre et bu quelques gorgées en fixant le vieux.



Personne n'était dupe ! Faire partie de ce genre d'organisation était souvent du donnant donnant. La plupart du temps, c'était Kevin qui voulait gagner en puissance pour essayer de devenir le prochain kage. Les objectifs n'étaient pas exactement semblables, mais ça restait la même méthodologie, louer ses capacités pour protéger le village et en contrepartie s'améliorer.



Shigure prit une nouvelle bouffée de cigarette en attendant la réaction ou les autres questions d’Ojisan.

Il l’écoute avec attention, soulève même un sourcil interrogatif derrière son masque face à l’évocation du mystérieux que représente la brigade. Qu’il est bien sot de croire qu’il y a un quelconque mystère alléchant derrière ce qu’il font, mort et désolation ne sont pas des choses fort reluisantes, sauf pour les fous furieux. Ses observations avait d’ailleurs poussé le Spectre à croire en cette conclusion, si Usui Shizuka avaient ses masques de chair, Miura Shigure avait son atelier d’apothicaire. Le poison, voilà quelque chose qui était bien connu de Ojisan, il en avait quelque peu abusé durant sa carrière.



C’est que pour un espion et un assassin, la discrétion doit être le mot d’ordre et puis il ne fallait pas s’attacher non plus à ses camarades.



L’homme se saisit de sa tasse et fait tourner le liquide sombre à l’intérieur, comme s’il s’agissait d’un quelconque breuvage prophétique. En réalité, l'amertume qui s’en dégage suffit à calmer ses nerfs bien trop souvent à vif.



Il lève à peine son masque, dévoilant des lèvres délicates et rosé, une peau qui n’avait rien de celle d’un vieillard comme il le prétendait. Le café était comme il convenait de l’être, noir, amer, aussi sordide que cette échoppe.

Shigure reste assis à sa table, détailla son invité avec une certaine curiosité. Une légère expression ironique flotte sur son visage alors qu'il répond d'une voix calme mais empreinte d'une assurance inébranlable.



L'alchimiste porta sa tasse à ses lèvres et ingurgita le liquide amer.



Miyuki était une kunoichi de Toge dont la nature était en total contraste avec celle de Shigure. Son nom signifiant "belle neige" était en adéquation avec sa personnalité douce, attentionnée et aimante. Contrairement à la nature parfois froide et impitoyable de Shigure, elle était chaleureuse, compatissante et apaisante pour ceux qui l'entouraient. Miyuki avait une beauté pure, des traits délicats, des cheveux noirs comme l'encre et des yeux d'un bleu cristallin, un contraste frappant avec l'alchimiste.

Douce, empathique et aimante, elle était le contrepoint idéal à la personnalité de Shigure, son départ prématuré a laissé une empreinte indélébile sur l'alchimiste, marquant profondément sa vie. Miyuki est morte d'une maladie à la suite de son accouchement.

C'était une kunoichi dévouée, elle était attachée à sa communauté et se consacrait à la protection et au bien-être des habitants. Son amour pour le village était profondément enraciné dans sa nature attentionnée et altruiste. Si Shigure disait vouloir perpétuer l'amour que portait sa femme au village, il n'avait pas du tout la même relation qu'elle, lui qui avait été arraché jeune à sa famille et voyait l'armée et ses instructeurs plus comme des preneur d'otage que des sauveurs. Lui qui maudissait les vieux gratte papier qui préférait envoyer en enfer un groupe de jeune plutôt que d'aller salir leur main. Lui qui s'était senti abandonné par son village lorsque sa femme tomba malade. Lui qui maudissait son village pour l'avoir abandonné lorsqu'il avait dû élever sa fille les quelques jours où elle a respiré le même air que lui avant de succombé au mal maux que sa mère.

Shigure continua de plonger son regard dans son café, cherchant quoiqu'onques réconfort à ses sombres pensées et sortit de cet état lorsque le spectre lui posa la question sur la trahison. 



Quant à la remarque sur les cobayes, il hoche légèrement la tête, le regard toujours voilé par le reflet du liquide noir qui tournoyait dans son verre et la fumée de cigarette ambiante.



Il fixe ensuite la tasse de café tournoyante, une vague d'émotions enfouies se reflétant dans son regard voilé.

Les réponses lui sont données avec beaucoup de précisions, peut-être même un peu trop, selon le goût du Spectre. C’est qu’il n’est pas question de réelle justification. Ces paroles ne sont que des faits énumérés aussi froidement que la lame du bourreau. Que son nouveau camarade de jeu cherche à se faire passer pour un sauveur ou pire un “héro” ce n’est que lui que ça regarde, il n’en demeure pas moins qu’il empoisonne des gens et fait des expérimentations sur des pouilleux. Oh non cela ne le dérange pas tant que ça, lui le Spectre de Toge. À son sens, certaines rues ne sont que des fossées de purin ou des cochons appelés citoyens ne font que se gaver des restes des bonnes gens et crever la bouche ouverte dans des râles d’expirations tout aussi inhumain. Difficile de ne pas approuver une extermination de choses qui ne devrait tout bonnement pas exister.

L’odeur du café lui rappela soudainement ses souvenirs. Comme ce marchand fortuné qui, tel un porc habillé de broderie d’or, dépucèle les jeunes filles à tour de bras en se pensant en droit de le faire et qui avait fini par crever étouffé par le poison versé dans son café. Il avait l’air tellement confus devant le masque de Oji-san. Il avait porté ses mains à sa gorge, son visage rond devenu soudainement rouge pour finir inévitablement sur une palette de bleu. Il avait tendu la main à son interlocuteur en signe d’une demande d’aide providentiel et ce dernier n’avait pas bougé, quand bien même la lourde carcasse opulente du marchand s'était effondrée à ses pieds. Un coup de canne avait fini par confirmer la mort de la cible et le Spectre avait fini sa tasse et remercié son hôte avant de partir.

Avait-il exécuté la mission par conviction ? Oui.
Était-il capable de tuer cet homme ? Oui.
Était-il en droit de le tuer ? Oui
Était-ce du patriotisme ? En un sens oui.

Il n’en demeure pas moins que l’homme était un tueur sans remords aucune. Que cette mort soit justifiée ou non, qu’elle soit motivée par un besoin de protection, de patriotisme, ou autre concept pompeux ne change pas grand chose dans les faits. Un tueur demeure un tueur pour les autres quand bien même il est acclamé comme un héros par les siens. Le Spectre ne voit donc aucune raison de mettre en doute les paroles de Shigure, bien au contraire, il le trouverait bien malin d’avoir dissimulé ses vrais intentions.



Voilà un bien étrange mantra. Difficile de comprendre que ce n’est pas la justification d’une pure violence qui trouverait l’excuse dans un ordre et une épuration nécessaire pour le plus grand nombre.



Il termine de boire son café avant de reprendre.

La fumée s'élevait lentement, se mêlant à l'air vicié de la pièce. Shigure fixait son interlocuteur avec cette assurance inébranlable, son visage marqué par un sourire ironique.
L'alchimiste avait écouté attentivement les paroles cinglantes du Spectre de Toge. Les faits étaient énoncés sans détours, sans émotions, comme des pièces d'un puzzle qu'on aligne sans le moindre scrupule.

Pour le Spectre, il n'était pas question de justification, seulement de constatations. Lui qui se targuait de ne pas faire de compromis, pas même face à l'apocalypse, portait en lui cette noirceur aussi profonde que l'ombre qui hantait les rues de Toge. Shigure pris la parole et répliqua d'une voix calme, mais teintée d'une ironie mordante.



Il détailla son interlocuteur avec une curiosité amusée, comprenant que ce type masqué n'était pas là pour trouver des excuses ou pour panser les âmes. Non, lui, il voyait en lui un tueur sans remords, un prédateur qui chassait les côtés les plus sombres de l'humanité, tout comme Shigure chassait la lumière dans ses expériences.



L’alchimiste leva légèrement sa tasse de café. Il sentait la lourdeur de la noirceur qui imprégnait son âme au fur et à mesure que le liquide noirâtre tournoyait, mais il refusait de se laisser définir par elle. Chaque âme avait ses ténèbres, et lui, Shigure, dans sa quête de vérité, avait plongé dans les abysses pour y chercher la lumière.



Il reposa sa tasse avec une légèreté feinte, son regard empreint d'une clarté aussi déroutante que la brume épaisse des ruelles sombres de Toge.

La noirceur la mieux exprimée est-elle celle la moins dangereuse ? C’est une question que beaucoup de gens évitent de se poser. Elle mérite toutefois réflexion, quelqu’un qui parle de ses malheurs les éloignent-ils ? Non, il les exprime comme tout à chacun, certains en tirent du soulagement et d’autres s'expriment tel une banalité des plus déconcertante. C’était le cas de Shigure qui parlait de sa noirceur aussi bien que s’il s’agissait de son avis concernant la météo du jour. Les gens les plus fous et les plus dangereux par extension ne sont pas ceux qui font le plus de bruit, braillent le plus fort au milieu du bar ou encore frappent le plus fort dans une lutte entre deux hommes. Non, détrompez-vous, les êtres les plus dangereux sont ceux capables de vous parler des pires atrocités de cet univers, un sourire aux lèvres tout en dégustant un café amer. Sur ce point le Spectre ne pouvait nier que les deux hommes étaient égaux. Ils n’étaient pas indifférents à la vie, mais ils avaient pris conscience de sa délicatesse, de sa fragilité. Alors quand la conversation vient à porter sur les agneaux du monde le Spectre ne peut que répondre le plus simplement du monde :



La question semblait simple au premier abord, certains seraient tentés de dire qu’il existe des cœurs purs, des êtres de lumière, doux, chaleureux, aimables et altruistes. Des saints pour ne pas dire des êtres divins. Il n’y a pas plus grosse foutaise que de croire que en visant des bonnes actions ont ne demeure pas le monstre qui a craché sur son voisin.



Si pour les Yuurei c’était évident, en ce qui concernait les autres créatures c’était une théorie des plus bancales, elle n’en demeurait pas moins la parfaite démonstration de ce que pensait le Spectre de la condition des Hommes.



Son ton avait pris une légèreté amusante.



Le Spectre se lève de sa chaise afin de signifier la fin de l’entretien. Il se doute toutefois que Shigure aura sans doute quelques savantes paroles à prononcer avant son départ.