Qui se souvient d'une technique lancé en plein milieu d'un gîte dans le doux village de Sakura ? Un combat en pleine heure de pointe entre deux individus à l'égo surdimensionné : un qui voulait en découdre pour sa loyauté envers son village, le second par simple riposte d'une agression d'un ancien confrère... Vous ? Ou bien, peut-être vous ? Quoi qu'il en soit, les civils de ce village s'en souvienne parfaitement. Comment le saurais-je vous me direz ? C'est simple. Il suffit de voir les regards noirs qui me sont lancés tandis que j'arpente les rues de ce village en direction du gîte en question. La démarche nonchalante et le regard gêné sous quelques insultes et coups d'épaules qui – soit dit en passant – se retourne contre les auteurs sans même que je ne le veuille tant leur carrure est inférieure à la mienne.

Une fois sur place, je vois que le gîte est encore en travaux. Quelques poutres en bois soutiennent l'édifice. Le calme est rapidement rompu par quelques coups de marteau d'une personne qui frappe le bois pour que le bois puisse s'emboîter convenablement dans son orifice. Ce bruit si caractéristique du bois qui se fait marteler s'arrête tandis que le regard de l'ouvrier se pose sur moi. Il semble tellement sain d'esprit et parfaitement maître de lui-même. C'était sans compter sur le jet de l'outil directement sur moi. Le maillet heurte mon torse et tombe au sol. Je m'essuie le haut de mes vêtements tandis que je le ramasse sous la surprise de l'agresseur. Je m'approche de lui et lui tend l'outil. Il lève les bras et se cache le visage pensant que j'allais répondre à son attaque.

« Il me semble que vous avez fait tomber cela. » Dis-je tout en lui adressant un léger sourire. Le manche du marteau en sa direction pour lui faciliter la saisi. « Je ne tiendrais pas rigueur de votre comportement : il faut dire que j'ai été un sacré con aussi et je tiens à m'en excuser. » Je fouille dans ma poche et je sors un petit pochon dans laquelle je dispose quelques ryos. « Voilà pour le dédommagement, c'est tout ce que je peux vous offrir à l'heure actuelle. »

Je pose la bourse sur un tréteau et je décide de quitter les lieux. L'ouvrier était comme figé et ne me regarda même pas partir tant il fut étonné que tout se déroule sans encombre. Quant à moi, ma destination est simple : le temple des cerisiers. On m'en avait parlé jadis, et je voulais me rendre à cet endroit pour me repentir de mes actions passées. Il y avait beaucoup de pêché que je voulais confesser et je trouvais qu'il s'agissait de l'endroit approprié pour effacer les erreurs de son passé – tout du moins, dans l'aspect religieux. La réalité est tout autre et ce n'est que le Sakyuukage en personne qui s'est chargé de mettre à valeur d'usine tous les méfaits que j'ai pu faire jadis.

Ce n'est qu'une fois sur place que je pouvais contempler la beauté de l'endroit. Un immense cerisier s'est dressé devant moi : interdiction de s'en approcher à voir le balisage autour de ce-dernier. L'immensité de l'arbre est telle qu'il était inutile de se rapprocher. Je le contemple, de là où je suis.

Pourtant, bien que le Temple soit un lieu de culte où la paix règne en maître, j'étais persuadé que je ne resterais pas tranquille longtemps... Dans tous les cas : une mission m'était adressée, et je me devais de la remplir aussi rapidement que possible afin de me libérer de ce sceau qui bride mon existence...

Les réputations sont quelques choses d'assez complexe. Une attitude positive sera forcément apprécié par tous tandis que les attitudes négatives pourront vous pourrir la vie. Jusque là, c'est assez simple. Mais lorsque pour une raison X ou Y vous avez été forcé d'agir dans la négativité, le chemin pour redorer son blason est long et fastidieux. J'ai décidé de prendre le chemin le plus compliqué et ce, à mon insu. Même si j'ai été contraint de sombrer dans les ténèbres, une certaine personne que je détestais jusqu'alors m'a montré la voie vers la lumière. Je dois prendre mon courage à deux mains et réaliser ma rédemption. Non seulement en réalisant la mission que Tobu m'a donné, mais aussi en permettant à chacun de me faire à nouveau confiance.

Le Village de Sakura sera la première marche de ce périple. Après être passé au gîte afin de déposer une petite bourse en guise de dédommagement – bien que Shingen aurait pu aussi mettre la main au portefeuille – je me suis dirigé vers le temple des cerisiers pour me repentir et passer à autre chose. Et une fois arrivé, quel ne fut pas ma surprise que de découvrir un individu qui a deviné que je n'étais pas du coin en plus de savoir que je suis l'auteur de la destruction de leur bien.  

Je soupire un instant preuve de cette lassitude d'une réputation qui me précède avant d'acquiescer de la tête. Je garde un léger moment de silence parce que désormais, je dois faire attention à tout ce qui sort de ma bouche. Je me redresse et décide de garder la foi.

« Effectivement, c'est moi qui ai détruit l'auberge de la ville. » Dis-je tout en passant la main dans ma crête. « Je suis retourné là-bas avant de venir ici, j'ai laissé quelques ryos pour me faire pardonner et participer à la reconstruction de l'endroit. »

Je ne le connaissais pas. Pour autant, j'avais envie de me confesser... Un aspect religieux que je n'avais pas avant ! J'étais contre toutes les religions et me voilà à parler de confession... Quelque part, cela me procurait une sorte de paix intérieur que je ne saurais expliquer. Je me retourne afin de lui faire face et je lui tends la main amicalement. Il ne me semblait pas hostile et il m'inspirait confiance. A tort peut-être ?

« Je m'appelle Zoboroo Kenryoku. » Et j'allais être encore plus honnête que ça : une fierté mal placée ? « Je suis devenu Indépendant à la suite de ma désertion de Sakyuu. » Cela était dangereux mais je restais un tantinet joueur. « Rassures-toi, le Sakyuukage m'a déjà puni. »

Je lève mon haut et je laisse dévoiler une cicatrice épaisse, encore rouge et au touché sensible. Elle suintait encore légèrement car encore en cours de guérison mais je ne ressentais pas la douleur. Mon expérience m'a rendu presque insensible...

« Cette blessure en est la preuve... Il m'a retrouvé et nous nous sommes battu de toutes nos forces... » Je baisse mon t-shirt que je remets à l'intérieur de mon pantalon. « Il m'a laissé la vie sauve... »

Je lui en étais encore reconnaissant : me laisser la vie sauve pour réaliser la mission qu'il m'a confié me rend très fier. Au risque de me répéter, je comptais être à la hauteur et faire honneur à celui qui m'a laissé en vie !

Une tête mise à prix ? Il est probable que cela ne soit plus qu'un lointain souvenir. Le Sakyuukage ne prendrait pas le risque de me faire tuer au vue de ce qu'il m'a demandé – raison pour laquelle je suis encore en vie qui plus est. La cicatrice - que j'ai montré à cet illustre inconnu - s'avère être encore douloureuse et me rappelle sans cesse ce pour quoi je suis encore là. Tout ce que je fais, tout ce que je dis, n'a qu'un seul but : réussir la mission qui m'a été confiée. Quoi qu'il en soit, me voilà ici, face à Imaeda Shôsuke, à parler de la pluie et du bon temps et surtout de ma vie : chose que je n'ai jamais faite, et que je n'imaginais pas possible.

J'écoutais donc ses paroles et dès qu'il eut fini, ce fut à mon tour de répondre. Comparé à avant, je faisais le nécessaire maintenant pour ne pas dire n'importe quoi trop vite. L'expression de tourner sept fois la langue dans sa bouche prend désormais tout son sens. Un vent léger se leva et fit bouger ma crête dans laquelle je passais ma main juste avant d'ouvrir la bouche.

« Ma tête a été mis à prix c'est vrai. Pour une bourse tout à fait ridicule comparativement à mes compétences je trouve... » Dis-je tout en lui lançant un regard amusé. « Mais je pense que le Sakyuukage s'est chargé lui-même de retirer cet épée de Damoclès au-dessus de ma tête. Il a fait le nécessaire pour me faire regretter mes actes, et je ne dois plus m'approcher de Sakyuu... Après m'avoir blessé grièvement et gémir de douleur dans une forêt, cela fut la moindre des choses que je devais subir pour me repentir. »

La suite était beaucoup plus religieuse. Il me demanda pourquoi, d'après moi, j'étais encore en vie à l'heure actuelle. Il me questionna sur mes croyances en somme. Cela nécessitait une certaine réflexion pour éviter de ne dire n'importe quoi. Mon index et mon pouce attrapa mon menton tandis que mon regard se leva au ciel. Je réfléchissais quoi répondre et d'un soupire, je repris la parole.

« Si je suis en vie, c'est que mon heure n'est pas encore arrivée je présume. » J'hausse les épaules tout en continuant. « Il me reste des choses à accomplir, et la mort n'est pas encore à l'ordre du jour dans ce fabuleux livre qu'est le Destin. »

Quant à mes croyances... Difficile de répondre. Il fallait que je me rapproche du Carbonisme mais cette religion n'avait pas une réputation des plus glorieuses. L'Edenisme jouissait tout de même d'une image bien meilleur mais je n'avais que faire d'eux finalement. Une religion de paix et d'amour ne m'est d'aucune utilité en soit. Cela dit, pour me rapprocher d'une secte, je devais en apprendre le plus possible sur chacune d'elle. Et peut-être que je pouvais en apprendre davantage sur ces croyances tout droit venu d'un rêve.

« Je ne suis pas croyant... Ou du moins, je n'en ai pas encore ressenti le besoin – peut-être que je le suis sans même le savoir ? Ce n'est pas une question facile si on creuse un peu... »

Je me mets de profil à ses côtés et continue de contempler le temple dans lequel nous sommes. Je profitais justement de cette seconde chance pour m'en mettre plein la vue et jouir pleinement de ma vie ! Les questions devaient être renvoyées !

« Et toi tu es croyant ? J'ose imaginer que oui et du coup, je me pose une question... Pourquoi ? »

Il avait tout les signes d'une personne croyante : pas intéressé par l'argent, plutôt social, nonchalant... Le genre de personne avec laquelle il est compliqué pour moi de tisser des liens...

La météo semble clémente avec nous bien que la température commence peu à peu à se montrer virulente. La fraîcheur qui s’installa me fit frissonner tandis que - lorsque la brise souffla un instant - j’aperçus brièvement une cicatrice au niveau de son œil. Voilà quelque chose d’intéressant en somme. Malgré moi, j’aime les personnes qui ont des cicatrices : cela est un indice plus ou moins fiable sur leur capacité au combat. Plus ou moins fiable car effectivement, certains ont des cicatrices preuve de leur incompétence - des victimes en soi. Le profil peut varier d’un individu à l’autre, toutefois la prestance et le physique du personnage en question viennent rajouter des éléments aux préjugés que l’on peut avoir.

L’homme en face de moi, je ne pouvais que me douter de ses capacités au combat. Une cicatrice à un œil, tandis que lorsqu’il retire sa cape de voyage, quelque chose manquait à l’appel - en l’occurrence son bras. Mes sourcils se levèrent légèrement surpris. Mon attention se porte plus sur son délestage physique que sur ses propres paroles. Je reprends peu à peu ma concentration tandis que je réponds à cet énergumène cachotier.

“C’est assez surprenant, je dois l’admettre. En te voyant ainsi, j’étais loin de me douter d’un tel handicap.” J’hausse les épaules, coupable. “Enfin, c’est un handicap uniquement si on se laisse emporter par la vague… Ce genre de blessure peut aussi nous rendre bien plus fort…”

Un bras manquant en soi, est un énorme handicap puisqu’il ne permet pas les signes incantatoires comme à l’accoutumé. Cependant, si on ne se laisse pas emporter par la fameuse vague, alors on s’entraîne jusqu’à n’avoir besoin que de ce seul bras. Je ne connais pas cet homme. Mais le fait de se tenir debout ici, et d’après ce qu’il me dit, il a dû s’entraîner dur et doit sûrement être redoutable. Je fais face à lui et incline légèrement ma tête en guise de respect à son égard.

“Je ne peux que te féliciter pour ton parcours. Continue ainsi. Je décèle en toi un potentiel inexploité mais qui ne demande qu’à s’exprimer. Entraînes toi dur.”

Lorsqu’un guerrier s’entraîne et obtient une certaine force, il peut réussir à voir en un homme le potentiel qu’il a. Et je suis sûr de moi. Un jour, je reverrais cet homme probablement dans des circonstances bien moins appréciables.

“Nous nous reverrons, Shosuke. Les circonstances seront sûrement différentes mais ce jour, nos potentiels respectifs seront mis à rude épreuve.” Je regarde aux alentours et vois un attroupement d'individus. “Je pense devoir te laisser avant que la situation ne s’envenime. Je pense que ces civils ne veulent plus me voir ici.”

Je m’incline une dernière fois mais pas par respect cette fois… Plutôt par remerciement de m’avoir laissé la chance de le rencontrer et de ne pas m’appréhender. Il était en position de le faire au vue de mon passif. Un sourire amical se dessine sur mon visage, et un simple nuage de fumée vient me remplacer. Je me retrouve rapidement sur une branche d’arbre et j’observe une dernière fois le temple, Shosuke et la troupe de civil qui - à leur tour - regarde dans tous les sens pour savoir par où j’avais bien pu déguerpir….