Le village de Toge était connu pour beaucoup de choses. Sa proximité avec la capitale aussi bien économiquement que géographiquement, sans parler des liens familiaux entre le Togekage et l’Empereur. Beaucoup de nobles de Teito venaient soit vivre à Toge, soit profiter des spectacles de Kabuki au célèbre Théâtre de Sakuraza-wa ou déguster les plats raffinés du Cerf Dorée. Puis, il y avait le Temple de Tsukuyomi, là où j’avais été élevé par les moines. Tsukuyomi-sama était l’un des déités du Kamisuuhai à protéger à la fois les Hommes et les Yokai. Prenant le Dieu Lunaire comme modèle, Toge ne considérait donc pas les Yokai comme des bêtes sauvages, des monstres qui suivaient leur instinct meurtrière.

Pour mieux les comprendre, le Bureau d’étude des Yokai a été créé ! Grâce au Togekage et avec l’aval de l’empereur, nous pouvons étudier le comportement des Yokai afin de mieux les connaître. Et j’avais l’honneur d’en faire partie ! Je souhaitais contribuer à la cohabitation avec les Yokais. Vivre en paix avec eux était l’un de mes rêves. Bien sûr, j’avais conscience que ce n’était pas le cas de tout le monde, au bureau. Connaître ton ennemi et tu vaincras. Une philosophie basique du guerrier. Et je ne rejetais pas non plus le fait qu’il existait des Yokai dangereux, comme le Wendigo. Kenzan-san nous avait informés de sa dangerosité. C’était d’ailleurs le Wendigo qui avait détruit une grosse partie de la forêt avec du Raiton. D’après Kenzan-san, son alimentation se basait sur la chair humaine. Mon supérieur hiérarchique n’était pas du genre à affirmer de telles choses sans preuve ou sur des suppositions.

Je comprenais qu’un tel danger devait être annihilé au plus vite aux yeux de la majorité. D’autres pensaient qu’il fallait le capturer pour l’analyser. Je soupçonnais même certains esprits tordus de vouloir faire plus que l’étudier. Même s’il était dangereux, cela ne voulait pas dire qu’on pouvait se permettre de commettre des atrocités et des expériences inhumaines. J’étais personnellement pour capturer le Wendigo afin de mieux le comprendre, tout en ayant conscience de la menace qu'il pouvait représenter.

Cependant, nous n’étions pas encore de taille à faire face au Wendigo, que ce soit pour le capturer ou pour le tuer. De plus, mon équipe était réduite. Kagura-san fut tuée lors de sa dernière mission. Sa perte m’avait profondément choqué. En tant que Moine et Soldat, je ne devais pas succomber à la tristesse, la peur et la colère. Mais, je restais humaine. C’était donc seule, dans ma chambre, que je pleurai mon amie disparue. Que Tsukuyomi-sama puisse l’accueillir au Paradis et veiller sur son âme pour l'éternité.

Et puis, Meiyo-san avait disparu. D’ailleurs, cela faisait longtemps que je n’avais pas croisé Kirei-san, aussi. Aucune nouvelle d’eux. J’avais supposé qu’ils étaient partis en mission, eux aussi, mais mon ignorance concernant leur localisation me faisait inquiéter davantage. Je craignais qu’ils leur soient arrivés malheur. Je me remémorais du festival en l’honneur de Tsukuyomi-sama. Nous avions tous fait un vœu avec les lanternes. Je me demandais quels étaient les leurs. J’espérais en tout cas que leurs souhaits se réaliseront et que nous serions tous ensemble pour en être témoin.

Je sentais que ces instants de paix et de joie dont nous avions pu profiter jusqu’à maintenant allaient prendre fin et qu’un avenir plus tourmenté nous attendait.. Et je devais y faire face.

Vu les menaces auxquelles nous devions faire face, le Bureau d’étude des Yokais devait trouver de nouvelles recrues. Aujourd’hui, je devais en accueillir une, ce matin, en cette belle journée printanière. Nouvelles rencontres, nouvelles histoires, nouveau lendemain. Je devais laisser de côté toutes mes pensées négatives, mes inquiétudes, mes craintes, ma tristesse et esquisser mon plus joli sourire.

C’est alors, à l’entrée de l’établissement, que je souriais à la nouvelle recrue :

Doji n’était pas un nom qui m’était inconnu. Il s’agissait d’un clan connu à Toge. Ils étaient riches, avaient des relations et beaucoup de leurs membres étaient des guerriers. J’avais rencontré l’un d’eux. Doji Seichiro. Il m’avait entraîné et nous avions eu la même mission de rang C. Je le trouvais orgueilleux et arrogant, mais il avait tout de même mon respect grâce à son rang et sa force. J’avais toujours tant à apprendre avec lui. Je me demandais quels liens il possédait avec Nozuchi-san. Elle était magnifique avec ses longs cheveux lilas. Elle se présenta en tant que Genin souhaitant rejoindre le Bureau des Études.



Je la laissais répondre avant de préciser :



Je me demandais si c’était bon de lui révéler les équipes alors qu’on était en plein changement dû aux morts et disparitions de nombreux d’entre nous. En tout cas, je lui avais donné un aperçu de ce que pourrait être le bureau. Et puis, qui sait, peut-être qu’elle apportera beaucoup à l’étude des Yokais ?

Dire “Doji-sensei” pouvait aussi prêter à confusion, c’était vrai. C’était par habitude que je l’appelais ainsi, par respect de la hiérarchie. Peut-être que pour le nommer sans sa présence, je devrais suivre le conseil de Nozuchi-san.



Je lui souriais et l’écoutais. Je vois… Elle voulait en savoir plus sur les Yokais pour éviter qu’une autre tragédie se produise, comme celle avec le Wendigo. C’était donc son cousin qui avait été la victime. Rien que ce drame était suffisant pour justifier ses motivations que je respectais. C’était noble de sa part de penser aux autres alors qu’elle venait de perdre un membre de sa famille. Même si le temps de faire son deuil dépendait de chacun. Mais, malgré cela, elle souhaitait elle aussi cohabiter avec les Yokai. Chose qui me rassurait. Voulant moi-même vivre dans un monde où nous pourrions vivre en paix avec eux.
J’expliquais à Nozuchi-san les différents objectifs du Bureau. Elle me répondit en précisant plus ce qu’elle cherchait. Elle était une scientifique voulant élargir ses compétences, me demanda alors si elle pouvait rejoindre deux équipes et me proposa son amitié.



Je pensais à mon équipe, Gozen. Je n’avais pas encore du Kenzan-san à ce sujet. A vrai dire, je n’étais au courant de rien. Je n’étais qu’une Genin qui ne faisait que vivre sa vie et remplir des missions comme une vraie soldate. Je trouverai ça dommage que Gozen soit démantelé…

J’étais ravie de pouvoir donner des informations sur le Bureau des Études des Yokais, même si, pour être honnête, je ne savais pas réellement où en était le bureau actuellement. Je n’étais qu’une Genin qui ne suivait que les ordres.



J’avais l’impression de revivre la même conversation avec Kirei-san. Ce qui me rendait nostalgique, tout d’un coup. Lorsque nous étions au temple de la lune, la nuit, lorsque le sommeil ne nous avait pas encore enveloppé sous ses bras. Il était pris par des tourments et m’avaient posé de nombreuses questions hypothétiques sur les Yokai, les sectes, Onogoro, sur tout. Conversation qui était, pour ma part, très enrichissante. Kirei-san me manquait énormément et j’espérais le revoir de retour très bientôt.