Oui, bien sûr qu’il le pouvait.

J’avais affiché une expression chaleureuse tout en déposant ma main gauche sur son épaule, l’invitant à se nourrir. J’avais rarement vu des yeux scintiller de la sorte, honnêtement. Bien que cela me rendait heureux de voir une personne afficher une telle expression, sans expliquer le pourquoi du comment, cela m’avait aussi fait ressentir une profonde tristesse. Les desseins des dieux m’étonnaient de plus en plus, pourquoi avait-il mis cette personne sur ma route ? Il y avait une raison, mais pour le moment, je n’étais pas encore certain du rôle que je devais jouer pour ce garçon.

Bien qu’en quelque sorte, j'étais maître de mon destin, j’espérais que les dieux n’avaient pas planifié ma fin en ce jour, je n’étais pas encore prêt à quitter ce monde. Pourquoi je pensais ainsi ? Puisque mon interlocuteur était blessé, bien trop blessé à mon goût et cette technique vieille comme le monde, on la connaissait. J’étais sur mes gardes et à la moindre occasion, j’étais prêt à réagir.

Cela me fit plaisir de le voir bâfrer ainsi ces friandises. Si bien qu’il avait mis des miettes partout, même non loin de son épaule… Comment avait-il fait ? Sa joie était telle qu’il ne s’était même pas contenu. Le sourire en coin, toujours de ma main gauche, j’avais écarté quelques miettes qui s’étaient posées sur ses vêtements de fortune.

Mon interlocuteur prit à nouveau la parole et m’indiquait ne pas avoir de nom. Comment était-ce possible ? Il me paraissait assez âgé… était-ce lié à une culture ? Non, ça me paraissait plus qu’étrange. Au vu de ses blessures et de sa réaction vis-à-vis des friandises, une idée avait germé dans ma tête. J’espérais honnêtement que cette idée ne soit pas réalité, cela pourrait me faire sortir exceptionnellement de mes gonds.


Oui, il était temps de suivre ma destinée et les indications de mon interlocuteur. Il avait dit avoir besoin d’aide n’est-ce pas ?

Je lui fis un signe de la tête, j’étais fin prêt à le suivre.

Sur le chemin, ce dernier m’avait simplement fait part d’une interrogation avec le mot “Esclave”. Pourquoi m’avait-il dit ça ? Bien que cela me rendait perplexe, j’avais rapidement compris que c’était lorsqu’il avait observé mon tatouage qu’il avait pensé à ça. Alors que je comptais facilement lui répondre, mon sang se mit à bouillonner. Avais-je face à moi un esclave en plus d’être un vulgaire appât sans nom ?! Ma mine se fit bien plus sérieuse et nul besoin de pouvoirs divinatoires pour comprendre ce qu’il était en train de se passer.

J’avais ainsi commencé à infuser du chakra en moi, me préparant au pire.


Tandis que je marchais à ses côtés, j’avais décidé de parler à voix basse.


J’espérais cette réponse négative, sincèrement.

Plus je passais de temps aux côtés du jeune homme, plus je m’interrogeais quant à la situation. Un enfant sans nom, une mère soi-disant blessée-... Cela ne présageait rien de bon et ça ne faisait que confirmer mes doutes. Mais derrière un potentiel piège se trouvait un enfant blessé, certainement martyrisé et traité comme un esclave. Cette pensée me donnait envie de vomir et pourtant je croyais fortement à cette hypothèse. Néanmoins, j’avais eu besoin d’une confirmation concernant sa condition et je ne fus pas étonné une seule seconde lorsqu’il certifia mes dires : il était bel et bien un esclave.

Tel un joueur de carte, je n’avais pas changé d’expression. Je me contenais non seulement pour me préserver, mais surtout pour préserver cet enfant qui était assurément considéré plus comme un objet, qu’un humain. Bien que je croyais en mes divinités et en leurs bontés, j’avais du mal à croire que les hommes étaient à leurs images. Certains s’étaient détournés du droit chemin et souiller cette terre pourtant sacrée ; un jour, je l’espère, le châtiment divin s’abattra sur eux.

Tandis que j’avais marché quelques minutes avec l’enfant sans nom, j’entendis des mouvements non loin de moi. Un buisson avait bougé, les feuillages s’étaient exprimés. Je n’étais pas dupe et ne fus pas non plus étonné de voir des hommes débarquer. L’air impassible, j’avais plongé mon regard dans celui qui avait pris la parole. Ils étaient apparemment quatre et armés.

L’homme, le plus bavard de tous, avait confirmé mes pensées et je n’avais plus de doute quant à la supercherie. L’enfant que j’avais rencontré était bien un appât et moi, j’étais la cible. Cela aurait pu être un autre marchand, un confrère avec moins de capacités que moi. Même si j’étais confiant et je pouvais me reposer sur mes compétences, j’étais loin d’être immortel puis je ne connaissais pas non plus la puissance de mes adversaires du jour. Bien que j’étais réellement préparé à engager le combat grâce à mon arme dissimulée dans mon tatouage, je souhaitais essayer, comme à mon habitude, la voie diplomatique.


Un avertissement, oui, c’était la seule voie diplomatique que j’avais voulue explorer. Ce n’était pas une menace, mais j’avais souhaité faire appel à leur bon sens. Était-ce seulement possible d’avoir du bon sens dans leur position ? Ils utilisaient après tout un jeune garçon, innocent, le blessaient et… lui offraient des repas selon le travail accompli ? Dans quel monde j’étais ? Un instant, je m’étais tout de même demandé si je n’étais pas encore dans mes songes.

Malgré son jeune âge, j’avais l'impression que le garçon regrettait. Il avait même demandé à ses tortionnaires de ne pas m’ôter la vie. Dans ses yeux effrayés et remplis d’incompréhension, je vis de la bonté. Alors que j’étais à deux doigts de me faire oblitérer, j’avais adressé un sourire à mon nouvel ami. Je ne lui en voulais pas le moins du monde, il avait l’air d’être emprisonné et j’espérais bien, à mon échelle, pouvoir changer cette situation.


Avais-je balancé en fléchissant les jambes et en envoyant le coup le plus puissant dont j’étais capable dans la mâchoire de l’homme qui me faisait face. De justesse, j’avais évité un coup de couteau en sautant par-dessus ma première victime, pour me repositionner. Enfin justesse… j’étais tout de même blessé au niveau de l’épaule.

Je faisais dorénavant face à trois hommes armés et très en colères. Je me devais de moi aussi m’équiper, il en allait de ma survie. D’une main, j’avais exécuté des mudras et de l’autre, j’avais touché mon tatouage, tout en regardant d’un coup d’œil l’appât vivant. Voilà à quoi servait cette marque. Une fumée blanche épaisse laissa place à mon poing kunaï, que j’avais enfilé rapidement. Un des criminels armé d’un Katana s’était élancé et avait aussitôt assené une attaque en ma direction. Attaque que j’avais paré à l’aide de mon arme. Cela dit, en force pure, il avait l’air d’avoir l’avantage, je devais entourer mon arme de chakra pour prendre le dessus et le surprendre. Ce que je fis alors et cela me permit de reprendre le dessus et même de dévier son coup, suite à ça, tout en exécutant une rotation avec mon bassin, j’avais planté mon arme sur son épaule.

Pendant qu'un cri s’était fait entendre, un des deux hommes restant en avait profité pour sauter sur moi et m’avait fait tomber à la renverse. Lui, il avait un poignard et était assis sur moi, prêt à m’égorger. Son collaborateur avait aussi foncé et s’était positionné de façon à me mettre un coup à l’aide d’un gourdin. Voyant ici une opportunité, j’avais utilisé toute ma force pour agripper mon assaillant et le mettre sur la trajectoire de son camarade. L'attaque fit mouche et vint heurter violemment le haut de la tête de l’homme. Le bruit était tel que j’étais sûr qu’à des kilomètres à la ronde, ils avaient pu entendre sa boîte crânienne céder.

Si bien, que cela avait choqué la personne en question, la mettant totalement à ma merci. Je m’étais relevé, toujours le regard impassible. Avec le gourdin en main, il tremblait et avait les yeux rivés sur son partenaire tombé au combat. Le destin avait frappé

Alors que la suite logique était de le mettre à terre, lui aussi, j’avais repensé à la présence du jeune garçon qui avait observé la scène depuis le tout début. Que penserait-il de moi si j’utilisais ma force afin de mettre à bas une personne n’étant pas en état de combattre ? Quel exemple j’allais donner ? Un soupir plus tard, j’avais baissé ma garde et mon arme par la même occasion, laissant mon dernier opposant à son traumatisme. Mes habits étaient légèrement tâchés de liquide écarlate et mon épaule blessée, mais cette blessure était légère, il n’y avait rien de grave.

Face au garçon, cette fois, je n’affichais pas une mine chaleureuse comme j’avais pu le faire auparavant, à cause de l’affrontement mais je ne voulais pas non plus paraître dangereux. Doucement, je fis quelques pas en sa direction et m’arrêta à une fois à sa portée.


Allait-il accepter la main tendue ?