Quelle scène étrange. Au cœur du Temple de la Lune, un combat à sens unique faisait rage. Dans les locaux privés du Souhei Sasaki Koji, deux êtres s’échangeaient des coups depuis plusieurs heures. Pourtant, ce n’était pas l’humain qui en sortait vainqueur. En effet, son camarade poilu, un Kaminotsukai, ne cessait de l’envoyer au tapis. Cependant, aucune animosité ne s'échappait des deux lutteurs. Il s’agissait simplement d’un entraînement ordinaire. Du moins, c’est ainsi qu’ils le décrivaient. Motivés par une vieille promesse, les deux amis s’acharnaient à améliorer les capacités physiques du moine. Une telle condition était nécessaire à l’accomplissement de leurs rêves.

Encore hébété par l’uppercut de son familier, le trentenaire se releva péniblement. De plus, les multiples hématomes qui coloraient désormais sa peau, commençaient à limiter ses mouvements. Après tout, la douleur est un frein qui est bien difficile à oublier. Malgré cela, il affichait un sourire franc et sincère. Il connaissait le noble mobile de son adversaire et s’en sentait redevable. Le souffle haletant, le Chuunin tenta de négocier quelques secondes de répit.



La réaction du lagomorphe ne tarda pas. Ce dernier se mit à taper le sol de son pied duveteux. Accompagnant ce tambour frénétique, ses bras se croisèrent et ses yeux exprimèrent une colère sourde. Cette posture, Koji la connaissait bien. Hisashi perdait patience. Il était évident que les progrès de l’ancien père de famille étaient trop lents.



À peine le nom du défunt prononcé, tout le corps du Souhei se métamorphosa. C’était comme si le voile du chagrin pesait sur ses épaules, l’obligeant à se ratatiner et à s’incliner face contre terre. Ses membres semblaient perdre toute vivacité, paralysés par ses nombreux regrets. Quant à son visage, il était déformé par la tristesse, terne et honteux à la fois.



Face à ce sermon quelque peu virulent, le trentenaire laissa échapper un long soupir. Ce souffle, provenant du plus profond de son âme, emporta avec lui tous ses tourments. Enfin, de façon temporaire bien évidemment. Tout deuil est unique, néanmoins le temps est un remède universel. Le regard perdu, empli de mélancolie, Sasaki Koji fit un aveu à son partenaire.



En réponse au sourire de son ami, le lapin tendit sa main sans hésiter. Ce geste signifiait certes qu’il serait présent à tout moment pour épauler son camarade, mais pas uniquement. Hisashi, en tant que père, éprouvait beaucoup de difficultés à voir un enfant souffrir. Or, à ses yeux, Koji malgré ses trois décennies, demeurait si jeune et si innocent. C’était d’ailleurs ce même sentiment qui l’avait poussé à signer un contrat avec Akemi Ren, il y a bien longtemps.



À la suite de cet échange, une larme discrète émergea sur le bord de l’iris du vieux familier. La chassant avec force, celui-ci initia une nouvelle salve de coup. Ainsi, le combat reprit avec ardeur. Pour parfaire les compétences de Sasaki Koji, Hisashi multipliait les approches. Tant tôt, il mobilisait ses bras afin de briser la garde adverse. À d’autres instants, il usait de ses jambes musclées pour déséquilibrer le novice en taijutsu. Parfois, il déployait tous ses dons pour enchaîner les acrobaties.

Le Chuunin, lui, était encore sur la défensive. N’ayant que peu d’expérience, il se concentrait principalement sur la parade. Ainsi, il décomposait les offensives de son allié, les analysait, calculait leur puissance, prédisait leur trajectoire et surtout tentait de réduire leur impact. Ce n’était pas parfait, mais au moins, il progressait. Peut-être pas aussi vite qu’il espérait, cependant, il allait devoir s’en satisfaire. Personne ne pouvait brusquer la nature, pas même avec la meilleure volonté qui soit.

Quand tous deux arrivèrent au bout de leurs endurances respectives, une trêve fut sonnée. Ils prirent alors le temps de se laver, de s’hydrater et plus tard de manger. À l’heure du souper, les deux hommes partagèrent un bon repas, ils l’avaient bien mérité après tout. L’atmosphère détendue et joyeuse fut propice à une chose rare : les langues des deux amis se délièrent et évoquèrent des secrets bien gardés.



Malgré la bienveillance de ces mots, Koji ne put s’empêcher de ressentir de la colère. Cette dernière n’était pas dirigée vers Hisashi, mais semblait être destinée à un petit coffret. Caché sous une table, cet objet renfermait les derniers biens que ses parents lui avaient légués. Symbole d’un destin qui le dépassait, l’artefact dissimulé hantait l’esprit de l’homme aux pupilles d’ambre. Il en connaissait la portée et cela l’effrayait autant que l’enrageait.









À la suite de ses dires, le Kaminotsukai se pencha vers le Chuunin. Là, il lui offrit une tape amicale sur l’épaule, suivit d’un geste plus paternel. Il ébouriffa vivement ses cheveux tout en le serrant contre lui. Certains y verraient un geste humiliant, mais pour le moine, il était plein de réconfort.



Était-ce de la nostalgie ou de la tristesse qui pouvait se lire dans son regard ? Pour Koji, il s’agissait de la première option. Logique quand on vit aussi longtemps que ce vétéran poilu. Mais pour le familier, c’était autre chose. Son intuition provoquait en lui beaucoup d’angoisse. Il pressentait que son partenaire d’aujourd’hui allait un connaître un avenir bien sombre, fait de sang, de cri et de cendres. Face à cela, Hisashi se savait trop faible. Ainsi, il craignait que l’histoire ne se répète et qu’il perde de nouveau un ami.









Leurs rires retentirent dans la pièce. Ceux-ci chassèrent les doutes, les peurs et les remords. Pendant une soirée, les deux acolytes oublièrent le futur et se concentrèrent sur les plaisirs du moment. Toutefois, les mots d’Hisashi résonnèrent dans le cœur du Souhei. Le lendemain, il prit la décision d’embrasser totalement sa nouvelle vie. Il se jura de ne plus se laisser ralentir par le poids de son passé. Il fit le serment de découvrir la réelle volonté de ses parents et de la Déesse. Enfin, il promit à qui pouvait l’entendre que sa vie serait désormais vouée à aider l’Humanité. Car s’il était impossible de donner un sens à sa seule existence, alors peut-être que dans le collectif, sa vie aurait de la valeur.