Mais que faisait Jun'Ichiro de son temps libre ?
Eh bien, il n'étranglait pas les chatons au grand dam des inquisiteurs, mais il travaillait sur des prototypes de marionnettes.

Si je n'utilisais pour l'instant que le Piquant, mon atelier était rempli de projet en cours, ou bien terminé, mais trop imparfait pour être utilisé... L'intelligence était un don qui se mariait mal avec le perfectionnisme. Tout me semblait trop laid, ou lent, ou faible pour que je daigne l'utiliser dans une mission où ma vie et celle de mon frère étaient en jeu.
Alors, je cherchais des solutions : Résoudre des problèmes, c'était un moyen facile et rapide de passer ses journées. Quelques coups de tournevis, un meilleur positionnement des outils ou des armes et le tout gagnait en vitesse d'utilisateur ou en légèreté... Seulement, ce n'était toujours pas assez. Il me fallait un schéma d'utilisation, un plan plus grand que la seule existence de ce bout de bois : Ma marionnette de mission avait un but simple, mais qu'elle remplissait à la perfection.

Créer des failles dans la défense pour que Shinjin puisse frapper.

La queue du scorpion devait traquer et affaiblir le corps, alors que les bombes flashs ou incendiaires devaient le diriger là où je le voulais. J'avais ajouté sans vergogne des filets et de quoi enchainer la proie pour la capture, mais c'était surtout pour faire gagner quelques secondes au katana de l'autre juunin. L'attaque simple n'était pas nécessaire, de quoi stopper ou ralentir suffisait à remplir mon rôle. Pour autant, il me fallait peut-être une marionnette d'attaque, la défense étant superflu vu que j'avais déjà un bouclier humain et un pantin pour occuper la proie.

Ainsi, je planchais ce jour-là sur le prototype de ma nouvelle arme effective : Mujaki, un pantin rapide qui prenait la forme d'une pré-adolescente pour attaquer avec ses lames dans les bras et autres joyeusetés que je listais dans mon esprit, partant du principe que noter c'était perdre du temps. J'avais alors récupéré du bois et des métaux pour concevoir l'enveloppe et, penché au-dessus des entrailles vides alors que j'avais formé depuis quelques jours les formes de la poitrine, j'ajoutai quelques mécanismes pour répondre efficacement aux stimuli de mes fils de chakra.
Un travail sinistre pour quelqu'un de peu habitué, mais qui pour moi était vraiment... Vivifiant ? L'esprit concentré, le visage stoïque, je pouvais passer des heures penchées à suer un peu dans la chaleur de l'établi, dans le noir, uniquement troublé par la lampe au-dessus de moi pour que je puisse voir quelque chose. Je n'avais pas encore de quoi me passer de l'éclairage lambda et le sonar n'était pas utile pour ce type de travaux.

J'avais vu passer dans le laboratoire de Seizan des yeux nyctalope et, pour le coup, ce choix aurait été efficace et économique en cire de bougie.

La plaie pour camoufler mon signe cicatrisé de plus en plus. Pour le coup, je louais les facultés de l'organisme humain, malgré que cela soit plutôt lent. Je ressentais une vague gène quand je bougeais le bras, mais qu'importe : je pensais à autre chose en créant. L'art, c'était aussi une question d'efficacité ? Je ne me voyais pas comme un artiste, mes créations avaient une vraie utilité pratique et non esthétique. Je ne percevais pas le scorpion, ou ce nouveau jouet, comme des œuvres spécialement belle. J'avais besoin d'une arme assez grosse pour attirer l'attention, alors Tsurai était devenu un insecte agressif... Il me fallait une forme rapide pour me faufiler et frapper, l'idée d'une jeune fille agile m'avait frappé. J'avais longtemps réfléchi sur le sexe apparent de cette arme, mais la féminité s'accordait bien avec l'idée de la mort rapide et inattendue.

Qui avait dit que je n'avais pas d'humour ?

Pourtant, quand on frappa à ma porte, le moindre sourire qui pouvait apparaitre sur mon visage disparu : J'avais déjà reçu une visite et elle n'avait pas été des plus agréable, rangeant tout mon fatras en pensant à une nouvelle visite de surveillance, je me faufilais jusqu'à la porte pour regarder dans l'interstice qui cela pouvait être. La suite allait pourtant être inattendue.

Mes yeux se projetèrent sur le dessin devant moi : C'était... Artistique. Enfin, c'était très simple... Trop simple pour un artisan comme moi. Une ligne pour la garde et deux qui se rejoignaient pour la lame, je comprenais l'idée, mais je n'avais aucune idée des mesures ou de certaines caractéristiques. De plus, je n'étais pas un réel forgeron... Jujou, ce n'était pas Seizan, et si j'avais quelques compétences pour faire des productions passables, j'étais à des années lumières de l'artisanat à l'ouest. J'avais le strict minimum pour équiper mes propres marionnettes, toujours sur le front alors que j'étais en sécurité à l'arrière.
Ainsi, je remontais mon regard pour vérifier si c'était une blague et le visage plein de... Contraction du garçon me fit lever les sourcils, non pas par surprise, mais par une vraie exaspération. Du temps perdu, je le sentais. Le gamin aux cheveux roses, l'air un peu perdu, se fit ensuite craquer quelques ossements pour... Aucune raison ? Et me demanda le prix.

- Je n'ai pas dit que j'acceptais. Revenant sur la présentation plus que singulière, je baissais le bras, un peu las de tout cela. Si je comprends bien, tu veux une faux. Le dessin ressemblait pas mal à cette arme agricole, devenu ensuite un vrai outil militaire... Enfin, vraiment ?

C'était une demande originale. Si j'avais fait quelques épées, pas mal de kunaï et de shuriken, la faux demeurait inconnue à mes performances. Ce n'était pas si compliqué, dans l'idée, mais son utilisation demandait pas mal de doigté et je doutais pas mal des capacités de cet enfant hyperactif qui dessinait comme un pied.

- Tu sais l'utiliser au moins ? Tu en as déjà eu une pour t'exercer ? Sans attendre la réponse, je réfléchissais à comment faire pour qu'elle soit solide et efficace. La garde était très longue, donc il fallait un alliage capable d'encaisser quelques chocs.

De plus, la lame disposée comme sur le ... Dessin, ne permettait qu'une brève variété de coup. Si Shinjin était présent, il aurait pu mettre de meilleurs mots sur ma réflexion, mais en tout cas pour un débutant comme moi en bukijutsu, la faux comme il la voulait était assez peu efficace... Soufflant du nez, encore et toujours de lassitude, j'approchais l'idée de faire son joujou, juste pour l'argent à la clef.

- Pour les matériaux et la main d'œuvre, cela ferait autour de quatre cents ryos. Je peux te le baisser à trois cent cinquante, vu que tu es un enfant. Pourquoi cette réduction ? Le motif était un peu insultant, en vérité, mais bien que j'étais jashiniste, je savais que les petits voulaient se lancer parfois... Il fallait juste une impulsion.

J'avais déjà quelques idées de mécanisme pour que la lame se déplace sur un axe circulaire, histoire de pouvoir un peu plus utiliser le bout tranchant, tout l'objectif de l'arme en fait... C'était un petit défi que je voulais bien tenter, histoire de pouvoir l'ajouter à ma nouvelle création si l'objet me plaisait et s'il était vraiment plus utile qu'une épée ou autres.
Seulement, une nouvelle idée me vint : Et si c'était encore une inspection pour savoir si j'avais une moralité, si j'étais capable de vendre une arme à un gamin... C'était tordu, mais vu ce que j'avais déjà subi, c'était probable.

- Tu as quel âge au fait ? Si trop jeune, je n'allais pas le faire !

- Hmm hmm. Les yeux fixés sur la démonstration théatrale du garçon, je comprenais son propos mais je n'en voyais aucun intêret. S'il voulait une arme, il fallait savoir l'utiliser... Surtout ce type d'outil qui apparaissaient plus stylistique de vraiment efficace.

Aprés, je n'étais pas concerné par la chose une fois la production livrée : Il pouvait s'entailler dessus que ce n'était pas mon probléme. Ainsi, devant ses arguments perfectibles, je hochais la tête en laissant le garçon à son sort. Seulement, devant le prix il s'effaroucha : Il était un enfant pour moi, bien qu'il avait quinze ans, presque seize pour se rassurer. De dix ans mon cadet, sa taille et ses réactions étaient encore enrobés de l'enfance bienveillante qui rendait les caprices presque compréhensible.

"C'est un caprice ?" L'idée me parut vibrante de véritée, mais qu'importe : S'il payait, il pouvait avoir ce qu'il voulait. Les autorités du village n'allaient pas me reprocher d'armer un genin, surtout s'il avait fait déja des missions. Pour autant, le fait d'avoir déja tué me fit tiquer : Le gout du sang, on pouvait l'avoir trés tôt et je m'étonnais qu'un chuunin ou un juunin, chef de son équipe, ait laissé ainsi le petit se prendre au jeu des tueries. Scander le fait d'avoir pris une vie, c'était peut-être une preuve de l'absence de vérité, ou bien d'une fierté mal placée dans ce fait.

- Alors, si tu as déja tué... La finalité ne m'intéressait guére, même si je ne voyais pas le lien immédiat entre acheter une faux et avoir déja eu recours à la violence pour terminer le parcours d'une existence. C'était peut-être pour prouver qu'il n'était pas un gamin, en fait.

Vint alors le sujet du payement, et le bas blessé atrocement : Pas d'argent, mais une proposition de récompense en... Visibilité ? Je clignais des yeux, le temps que mes neurones captent l'information complétement ridicule. Ouvrant la bouche, je la fermais aussitôt pour ne pas être insultant... Il fallait être pédagogue, mais je ne l'étais pas. J'étais un jashiniste plus prompte a arracher son âme de son corps que de lui expliquer les tenants et aboutissants de l'économie simpliste dans l'artisanat.

- Donc tu veux que je te fournisse une arme, produite avec mes matiéres premiéres et mon temps, que tu vas utiliser mal car tu ne sais pas encore anier efficacement celle-ci, en échange que tu cries mon nom dans la rue dans l'espoir que les gens comprennent que c'est élogieux ? Un instant, je laissais passer le discours pour voir, sur son visage, s'il avait la pleine compréhension de l'idiotie mise en service.

En réponse, il expliqua qu'il était venu avec de l'argent, mais qu'il l'avait perdu... Qui perdait une bourse de ryo ? Pas un adulte, c'était certains. Même ce trouffion de Shinjin ne perdait pas sa monnaie durement gagnée par les missions. Patiemment, je l'écoutais me proposer d'autres services, ce que je voulais, pour avoir son arme...

- Déja, retrouver ton argent, si tu l'a vraiment perdu. Sur mon visage, il y avait une forme de frustration et de colére qui me donnait l'air froid de la mort, alors que j'étais juste las de cette conversation. Sinon, j'ai une idée. Croisant les bras, froissant un peu le papier dans ma main au sein de mon coude, je jaugeais le garçonnet pour voir sa réaction à ma demande, tout aussi fantasque : Si tu veux ta faux, sans argent, il faut alors te fier à l'expression "ça çout un bras."

j'attrapais alors un couteau qui trainait sur une étagére, dans l'entrée de mon établi, pour la lancer paumeau en avant vers le garçon. S'il n'avait pas encore compris, je révélais le sous-texte :

- Coupe toi le bras, ou juste quelques doigts, et la faux est à toi. Ce sera toujours mieux que la visibilité, aprés si tu veux quand même utiliser ta langue, je peux te laisser la découper aussi. Reprenant ma posture patiente, je regardais sa réaction.

C'était trés jashiniste comme proposition, ça.

"Un moyen de paiement limité ?"

Si mon visage n'avançait aucune réaction, je devais avouer que j'étais assez surpris de celle du petit : Les yeux légèrement fermés, les sourcils droits comme si rien ne m'atteignait, je le voyais envisager sérieusement la question avec le couteau dans la main. "Avec qui je suis tombé ?" Je ne répondais pas, cherchant à voir la suite de sa pensée, et je ne fus pas déçu :

Ramener les membres d'une autre personne, avec un pourboire en termes de langue et quelques excroissances de sa part. Effectivement, le garçon était plein de surprises, et cette folie était à observer : Soit pour l'arrêter s'il devenait un vrai danger pour la population de Jujou No Sato, soit pour le recruter dans un culte qui voyait la chair comme quelque chose qu'on pouvait retirer aisément. C'était potentiellement mon premier disciple, mais il y avait encore quelques étapes. La blague pouvait continuer un peu :

- Ce serait du vol, comme on prend dans les poches pour des ryos, que de prendre la chair des autres. Le regard scrupuleux, je voyais comment il réagissait. La partie que tu veux me donner, elle m'importe peu, il faut juste me montrer que tu as vraiment envie de cette faux. Il faut donner du sien, parfois... Enfin, même tout le temps. Levant la main, je tendais l'index vers son front : Comme un maitre apprend à son élève. C'est à toi de voir jusqu'où tu es prêt à aller.

En revanche, la suite de son discours fut un peu décevant : Il prenait sérieusement la chose et me demandait ce que j'allais faire avec l'un de ses membres. J'autorisais un de mes sourcils à se lever, un peu surpris et interrogatif. Il allait loin, mais je compris assez vite qu'il devait être de ce genre-là : 1er degré constamment. J'étais un peu comme ça, en fait, mais ici, c'était moi le moqueur et je me retrouvais bien circonspect devant ce spectacle.

- Ton bras ne me sert à rien, mais l'espace qu'il laisse peut-être comblé par mes créations. C'est ce que j'appelle créer l'offre et la demande... Une prothèse, c'est toujours mieux qu'un membre fantôme. Donc, pour les rituels ou la collection, tu fais mauvaise route. Il devait y avoir des excentriques au sein du Jashinisme qui devait collectionner les corps, ou les membres, mais je n'étais pas de ce type-là.

Tuer était un moyen pour moi de libérer les gens, ma finalité n'était pas la souffrance, mais la libération.
Je voulais le faire reculer par ma demande extravagante, et voila qu'il réfléchissait sérieusement à la chose, poussant même à proposer d'aller découper quelqu'un... C'était presque beau, mais rien ne me disait que je n'étais pas en présence uniquement d'un psychopathe et toutes les preuves pouvaient déjà être là. Scrutant avec application la chose, je reprenais :

- Après, si tu ne veux pas vraiment la faux... Bon, tu pourras revenir quand tu auras de l'argent, ou plus de volonté. Je me retournais pour repartir dans les ténèbres, non sans lâcher quelques mots : Tu peux garder le couteau, tu pourras dire que tu n'es pas parti sans rien. Je suis un artisan généreux.

Comme mon Dieu, si je parvenais à le modeler.

- Oui, mais tu ne donnes pas du tien, c'est ce que je souligne. Il était réellement idiot, ne comprenant pas ma pensée... C'était sans doute logique à son âge, mais il régnait dans son regard un vrai premier degré qui pouvait être effrayant si on n'était pas un artisan de mort comme moi.

Un bref instant, j'eus quelques réticences à l'idée de le former pour en faire un jashiniste... Il devait être de ces enfants soldats qui prenaient le goût du sang, sans comprendre l'enjeu derrière la prise d'une vie. La valeur du choix, de l'existence, n'arrivait pas dans son esprit un peu fermé et il ne voulait que le pouvoir de choisir si un tel ou un tel mourrait. Une moitié de lumière, en fait... La révélation n'était peut-être pas pour lui.
Mais voila qu'il revenait vers le don de soi, sous prétexte d'un égo mal placé... Il n'était pas une couille molle, et il plaçait sa lame sur son pied, contre l'un de ses orteils. Levant un sourcil, j'attendais, provoquant même la chose en lui disant qu'il ne voulait pas vraiment l'arme, mais il attaqua sa propre chair avec peu de réticence et, d'un sourire, je pus observer le sang perler... Mais il arrêta, sans doute déçu de mon refus, je stoppais son geste et son discours de ma main levée pour lui répondre :

- Je te laisse finir, je ne pensais pas que tu allais aller jusque-là... Mais tu es bien parti, alors autant finir la chose ! Le regardant dans les yeux, je me permis même : Montre-moi que tu n'es pas une couille molle alors. Croisant les bras, je provoquais du regard le garçon qui avait le pied en sang, sans montrer de signe de souffrance...

Il était vraiment fou, mais c'était presque plaisant à voir. Une observation crasse, presque vil, que bien des gens rejetteraient en bloc sur la base du péché... Mais moi, cela m'amusait en fait. Attrapant un tissu, à ma portée, je lui envoyais pour un peu nettoyer une fois son forfait fait... Je ne voulais pas une tâche devant mon entrée, cela faisait mauvais genre.

- Un vrai combattant n'a pas besoin de cautériser, ou de désinfecter... C'est tricher, mais tu ne triches pas. Souriant aimablement, et c'était bien la première fois dans cette conversation, je présentais ma paume : Il fallait aussi donner du mien. J'attends ton offrande, et tu auras ta faux.

Un contrat qui me semblait assez juste.